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Un poste de police chinois démantelé à… New York

La Chine s’enfonce dans une hostilité funeste

Pékin entretiendrait, en toute illégalité, plus d’une centaine de ces bureaux de police clandestins à travers le monde, dont la mission est de contrôler les faits et gestes de la diaspora chinoise. Leurs responsables recourent à la rétribution ou à la coercition pour recruter des réseaux d’informateurs et de collaborateurs avec, à la clé, le risque de représailles contre les proches restés en Chine. Les étudiants chinois constituent une cible privilégiée, parce qu’ils sont vulnérables aux pressions, ont plus de contacts, et offrent un milieu propice à la formation d’opinions dissidentes.

Les Instituts Confucius

De telles pratiques sont signalées depuis longtemps en Amérique du Nord comme en Europe, y compris en Belgique. Des militants chinois pour la démocratie et les droits humains, mais aussi des personnes appartenant à des minorités “rebelles” (Tibétains et Ouïghours surtout) ou tenant des propos un peu trop critiques à l’égard du régime communiste (même en privé), ont ainsi dénoncé du harcèlement et des menaces, voire des agressions. Les Instituts Confucius, censés contribuer à la diffusion de la culture chinoise dans de nombreux pays, ont été suspectés de jouer un rôle actif dans ce programme de surveillance et d’intimidation.

L’arrestation à New York de Lu Jianwang, 61 ans, et Chen Jinping, 59 ans, marque, toutefois, la toute première action en justice. Sous couvert d’animer une organisation caritative fondée en 2013, America Changle Association, les deux hommes dirigeaient, selon les enquêteurs, depuis janvier 2022, l’antenne new-yorkaise du Bureau de la sécurité publique de la ville de Fuzhou, chef-lieu du Fujian, une province côtière dont sont originaires beaucoup de Chinois d’outre-mer.

Des permis de conduire à renouveler

L’ambassade de Chine à Washington a protesté en affirmant que cette association avait pour seul objectif d’aider la communauté, par exemple en renouvelant les permis de conduire chinois. Sans convaincre pour autant le directeur de la section new-yorkaise du FBI, Michael Driscoll, pour qui “ce bureau de police illégal n’avait pas pour but de protéger et servir, mais plutôt de réduire au silence, harceler et menacer des individus aux États-Unis”. Les deux prévenus ont été libérés sous caution dans l’attente de leur procès.

Deux autres procédures judiciaires ont été lancées en parallèle. La première vise dix personnes, dont six officiers de la police chinoise, qui sont accusées de traquer des utilisateurs de la plateforme de visioconférence Zoom et d’avoir notamment cherché à perturber les commémorations en ligne de la sanglante répression du mouvement démocratique de la place Tian’anmen en juin 1989. Lancées en 2020 à l’encontre d’un cadre chinois de Zoom, Jin Xinjiang, les poursuites sont donc aujourd’hui élargies.

Usine à fake news

La seconde procédure concerne, quant à elle, trente-quatre responsables du ministère chinois de la Sécurité publique associés au “Projet spécial 912”. On leu reproche d’avoir créé des milliers de faux comptes sur les réseaux sociaux, dont Twitter, pour propager de fausses informations sur des sujets aussi divers que l’épidémie de Covid-19, la situation à Hong Kong ou au Xinjiang, la guerre en Ukraine, ou le meurtre de George Floyd par des policiers à Minneapolis.

Alors que l’attention est largement accaparée par les ingérences russes depuis la campagne présidentielle de 2016, le gouvernement américain entend montrer que les Chinois sont tout aussi entreprenants dans la désinformation en ligne et la cybercriminalité. Sans doute n’a-t-il aucun espoir de juger des suspects qui, aux ordres du Parti communiste et résidant en Chine, sont à l’abri d’une extradition. L’intention est à tout le moins d’envoyer à Pékin “un message clair comme de l’eau de roche”, a expliqué Breon Peace, le procureur fédéral du district Est de New York : “On vous tient à l’œil, on sait ce que vous faites, et on vous empêchera de le faire aux États-Unis.”

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