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“Un mépris cruel pour la vie humaine” : l’Iran et l’Arabie saoudite sont responsables de près de neuf exécutions sur dix dans le monde

L’ampleur mondiale du phénomène reste pourtant largement sous-estimée puisque les chiffres publiés ce mardi par Amnesty dans son rapport annuel dédié à cette problématique excluent les “milliers” de cas “probablement à dénombrer en Chine” ou dans des pays comme la Corée du Nord et le Vietnam, où le recours à la peine capitale est notoirement massif mais complètement opaque. “Ces pays doivent de toute urgence évoluer avec leur temps, protéger les droits humains et exécuter la justice plutôt que des personnes”, a déclaré sa directrice générale Agnès Callamard. Les États-Unis sont aussi épinglés parmi les pays où le nombre d’exécutions capitales a le plus augmenté, de onze à dix-huit.

Record en trente ans

Numéro un (ou deux derrière la Chine), l’Iran a exécuté 576 personnes en 2022, contre 314 l’année précédente. Confrontée depuis huit mois à un mouvement populaire massif, dans lequel certains voient comme une inexorable “révolution au ralenti”, la République islamique a continué à multiplier les condamnations à la peine capitale, et à procéder aux exécutions, surtout dans un cadre carcéral. Cet outil répressif est essentiellement utilisé pour les tribunaux révolutionnaires pour punir les meurtres, le trafic de stupéfiants, ou l’“inimitié avec dieu” (deux cas en lien avec les manifestations déclenchées en septembre dernier). Douze femmes font partie des personnes exécutées, la plupart pour meurtre de leur mari abusif.

Alors que les statistiques officielles affichent 148 exécutions, Amnesty affirme que l’Arabie saoudite a triplé le nombre d’exécutions en un an, passant de 65 à 196 personnes (dont une femme). Il s’agit du chiffre le plus élevé enregistré par l’ONG en 30 ans, devant le record de 184 en 2019. Dès le 12 mars 2022, on savait que l’année 2022 côtoierait les sommets dans le Royaume : ce jour-là, la peine capitale fut appliquée pour 81 personnes (dont 73 Saoudiens). Les condamnations à mort y sont prononcées essentiellement pour des faits liés au terrorisme, au trafic de stupéfiants et d’armes, et pour meurtre.

En février dernier, deux ONG avaient déjà épinglé l’Arabie saoudite pour la forte hausse des exécutions depuis 2015, sous le règne du roi Salmane (largement secondé par son fils, le prince héritier Mohammed), la moyenne annuelle s’élevant à près du double de celle atteinte sous son prédécesseur… Une hausse que certains analystes attribuaient, en partie, à une nécessité du Royaume wahhabite de légitimer son pouvoir et marquer son intransigeance devant la montée en puissance, au mitan des années 2010, de l’organisation terroriste État islamique, perçue alors par Riyad comme une possible menace existentielle.

Modestes concurrents

La récente normalisation entre les deux principaux riverains du Golfe ne devrait avoir qu’une influence marginale sur l’évolution du nombre d’exécutions à l’avenir. La concurrence à laquelle l’Iran et l’Arabie saoudite se livrent, sur le plan idéologique et quant à leurs rôles respectifs de chef de file régional des deux principaux courants de l’islam (chiisme et sunnisme), ne sera en effet pas remise en cause. Sans compter que l’accord diplomatique s’est conclu sous le parrainage final de la Chine, championne hors catégorie des exécutions, face à laquelle Téhéran et Riyad font encore figure de modeste concurrent.

D’autres pays du Moyen-Orient se distinguent comme l’Égypte (qui passe de 83 à 24 exécutions), tandis que le Koweït et l’État de Palestine font partie des cinq États ayant repris les exécutions en 2022, avec l’Afghanistan, le Myanmar et Singapour. A contrario, ni les Émirats arabes unis et ni le sultanat d’Oman n’ont fait officier leurs bourreaux, ni encore le Botswana.

Globalement, vingt pays ont donc appliqué la peine de mort en 2022, contre dix-huit l’année précédente. Au moins quatre (les trois premiers et Singapour) y ont eu recours pour des infractions à la législation sur les stupéfiants. Amnesty relève sur ce point une violation du droit international, qui interdit le recours à la peine capitale pour des infractions n’entrant pas dans la catégorie des crimes les plus graves.