Turquie : Plus de 1.400 manifestants arrêtés, dont des journalistes, l’ONU « préoccupée »

«Nous sommes très préoccupés par l’arrestation d’au moins 92 personnes par les autorités turques au cours de la semaine écoulée, dont Ekrem Imamoglu, le maire démocratiquement élu d’Istanbul. » C’est ce qu’a déclaré dans un communiqué Liz Throssell, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.
Depuis l’arrestation d’Ekrem Imamoglou, de vastes manifestations sont survenues quotidiennement à Istanbul et ailleurs, suivies de heurts avec la police anti-émeutes. Plus de 1.400 personnes ont été arrêtées en lien avec ces manifestations, a annoncé mardi le ministre de l’Intérieur Ali Yerlikaya.
« Une enquête rapide et approfondie »
« Les manifestations dans tout le pays […] se sont vu opposer une interdiction totale dans trois villes », a relevé la porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, soulignant qu’ « au moins neuf employés des médias » figuraient parmi les personnes arrêtées. « Tous ceux qui ont été interpellés pour l’exercice légitime de leurs droits doivent être libérés immédiatement et sans conditions », a-t-elle ajouté. Ceux qui font l’objet d’une accusation doivent bénéficier « de procédures et d’un procès justes, y compris par l’accès à un avocat de leur choix », a-t-elle souligné.
Le Haut-Commissariat souhaite que les allégations de recours illégal à la force par la police contre les manifestants fassent l’objet « d’une enquête rapide et approfondie », a-t-elle encore déclaré.
Sept journalistes emprisonnés
Mardi, un tribunal d’Istanbul a ordonné le placement en détention provisoire de sept journalistes turcs, dont un photographe de l’AFP, accusés par les autorités de participation à des rassemblements illégaux, ont annoncé une ONG et un syndicat de journalistes.
Les journalistes, qui couvraient les manifestations déclenchées par l’arrestation du maire d’opposition d’Istanbul, avaient été arrêtés lundi à l’aube à leur domicile. Outre le journaliste de l’AFP Yasin Akgül – dont le Musée d’art moderne d’Istanbul a acquis plusieurs clichés –, figure aussi parmi eux le photographe turc Bülent Kiliç, un ancien salarié de l’AFP dont le travail a été récompensé par de nombreux prix internationaux.
Un appel à la « libération rapide »
L’ONG Reporters sans Frontières (RSF) a condamné mardi une « décision scandaleuse (qui) reflète une situation gravissime en cours en Turquie » après l’annonce du placement en détention provisoire du photographe de l’AFP Yasin Akgül. « C’est la première fois qu’un journaliste clairement identifié comme tel, dans l’exercice de ses fonctions, est envoyé en détention sur la base de cette loi contre les rassemblements et les manifestations », a souligné Erol Onderoglu, le représentant de RSF en Turquie.
Trois autres journalistes arrêtés à Izmir (ouest) et un autre à Istanbul attendaient toujours mardi d’être fixés sur leur sort, a précisé MLSA, une ONG turque de défense des droits humains.
Le PDG de l’Agence France-Presse a appelé mardi la présidence turque à « la libération rapide » du photographe de l’AFP Yasin Akgül. « Son incarcération est inacceptable, c’est pourquoi je vous demande d’intervenir au plus vite pour la libération rapide de notre journaliste », souligne Fabrice Fries dans une lettre adressée au secrétaire général de la présidence turque, Hakki Susmaz. « Yasin Akgül ne manifestait pas, il couvrait comme journaliste l’un des nombreux rassemblements organisés dans le pays depuis le mercredi 19 mars », fait valoir le PDG de l’AFP.