Turquie: l’opposition appelle à une journée sans achats et au boycott

« Stop à tous les achats ! Supermarchés, courses en ligne, restaurants, carburant, cafés, factures, n’achetez rien », indique un visuel partagé mardi par Özgür Özel, le chef du Parti républicain du peuple
En Turquie, l’opposition continue à réclamer la libération d’Ekrem Imamoglu, le maire déchu d’Istanbul accusé de corruption. Deux semaines après son incarcération, les manifestations quotidiennes ont cessé et le principal parti d’opposition CHP a finalement reporté le rassemblement qui devait être organisé mercredi 2 avril au soir. Mais pour maintenir la pression, l’opposition et les étudiants ont étendu leur appel au boycott des entreprises proches des autorités turques et ont appelé à une journée sans achats pour affecter toute l’économie turque.
Si le report de la manifestation initialement prévue mercredi 2 avril au soir aurait pu être le signe d’un essoufflement du mouvement lancé il y a deux semaines, en réalité, il est trop tôt pour le dire, car nous sommes toujours dans les fêtes de fin de ramadan. Celles-ci ont été prolongées de plusieurs jours par le gouvernement, l’opposition l’accusant d’ailleurs d’avoir utilisé cette extension dans l’espoir justement de briser le mouvement de contestation.
Quoi qu’il en soit, il est difficile de poursuivre la mobilisation suscitée par l’incarcération d’Ekrem Imamoglu en ces temps de fermeture des universités et des administrations. L’économie tourne également au ralenti. Il faudra donc attendre lundi prochain pour voir si les manifestations reprennent avec vigueur ou non.
Un mercredi sans achats
En attendant, l’opposition lance un appel à un boycott général de l’économie mercredi 2 avril. Le principal parti de l’opposition CHP a relayé un appel lancé à l’origine par les étudiants : « Une journée sans dépenses » est prévue pour dénoncer à la fois l’arrestation d’Ekrem Imamoglu et de ceux qui ont manifesté dans les jours qui l’ont suivie. « N’allez ni dans les magasins ni dans les restaurants ni dans les stations-service, a déclaré mardi soir Özgür Özel, le président du parti d’Ekrem Imamoglu.
Le CHP appelle également au boycott d’une trentaine d’entreprises considérées comme étant proches du pouvoir. Et ce, sur la durée.
Message entendu à Istanbul, à la toute fin d’une manifestation. Devant un café de la chaîne Espresso Lab, des partisans d’Ekrem Imamoglu conspuent les quelques clients attablés en terrasse. Car la chaîne de restauration rapide fait partie de ces entreprises boycottées par l’opposition en raison de ses liens avec les autorités. « Il faut les boycotter, parce que les propriétaires de cette chaîne sont des soutiens de l’AKP, le parti de Recep Tayyip Erdogan. Et je boycotte tous ceux qui sont sur la liste. Tant qu’Ekrem Imamoglu sera emprisonné, je les boycotterai ! »
Cet étudiant de l’université d’Istanbul a décidé, lui aussi, de participer au boycott, tout en s’interrogeant sur l’efficacité réelle de cette nouvelle stratégie : « Les partisans d’Erdogan, maintenant, ils vont là pour boire leur café, alors qu’avant, ils n’y allaient jamais. Donc, compense leurs pertes, c’est du 50-50. Mais de toute façon, le boycott, c’est une partie de la lutte, le boycott tout seul n’est pas suffisant. »
La justice ouvre des enquêtes visant les appels au boycott
L’arme économique du boycott pourrait toutefois ouvrir un nouveau front judiciaire : mardi 1er avril, le parquet d’Istanbul a ouvert une enquête pour incitation à la haine et discrimination, en visant des personnes qui ont relayé ces appels au boycott.