International

« T’as tellement de chance d’être assis là. Je peux te dire qu’on en a cassé, des coudes et des gueules »

Ces membres de compagnies d’intervention qui opèrent en maintien de l’ordre, de façon mobile, à moto et en binôme, sont visés par une pétition réclamant leur dissolution. Signée par plus de 80 000 personnes ce lundi 27 mars, elle déclencherait un débat en séance publique à l’Assemblée nationale dès lors que le seuil de 500 000 signatures est atteint. Certaines séquences, parmi les suivantes, ont donné lieu à l’ouverture d’enquêtes confiées à l’IGPN, la police des polices. Invitée sur BFM TV dimanche soir, Agnès Thibault-Lecuivre, cheffe de l’Inspection générale de la police nationale, n’a pas souhaité indiquer combien, des 17 enquêtes confiées à son service depuis le 19 janvier, concernent la Brav-M. «Ce serait prématuré», a-t-elle expliqué, indiquant qu’il est nécessaire d’identifier d’abord les policiers mis en cause. En attendant, de nombreuses vidéos et témoignages circulent depuis dix jours, mettant en cause les policiers à moto.

Samedi 18 mars, 23 h 30, place d’Italie (XIIIe arrondissement)

Une vidéo filmée par le média indépendant la Luciole accuse la Brav-M de «tabasser» une femme «à l’abri des regards» au niveau de la place d’Italie. «Ils sont à 10 sur une femme», commente un homme qui assiste à la scène, où l’on peut voir un groupe de policiers casqués frapper une personne. Sur Twitter, le média ajoute que «ce n’est pas visible sur [leurs] images, mais ils lui ont violemment cogné la tête contre la vitre du bar».

Lundi 20 mars, rues des Minimes et rue du Béarn (IIIe arrondissement)

De nombreuses scènes de violences ont été documentées à cette date, qui marque le rejet par l’Assemblée nationale de la motion de censure déposée contre le gouvernement, à neuf voix près. Un premier rassemblement place Vauban est rapidement dispersé. Des cortèges spontanés s’éparpillent alors dans plusieurs quartiers de Paris.

Un enregistrement sonore, réalisé ce soir-là à l’angle des rues des Minimes et du Béarn, dévoilé par plusieurs médias dont le Monde et Loopsider, vendredi 26 mars, révèle les menaces, intimidations et insultes proférées par un groupe de policiers de la Brav-M contre sept manifestants. «T’as tellement de chance d’être assis là, maintenant qu’on t’a interpellé, je te jure, je te pétais les jambes, au sens propre… Je peux te dire qu’on en a cassé, des coudes et des gueules», peut-on entendre. Vendredi soir, confronté à ce document sur France 5, le préfet de police, Laurent Nuñez s’est dit «extrêmement choqué». Un sentiment partagé par Agnès Thibault-Lecuivre qui évoquera, sur BFM TV suite à la diffusion de la séquence, des «propos inacceptables». Ce lundi, l’AFP rapporte que les policiers ont été identifiés comme étant membres de la 21e compagnie d’intervention en formation Brav-M, sans que leur suspension ne soit pour le moment décidée. Deux personnes ont annoncé leur intention de porter plainte pour «violence en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique et complicité», «violences à caractère raciste», «agression sexuelle» et «faux en écriture publique». L’association SOS Racisme a décidé de se joindre à leur plainte.

Lundi 20 mars, 21 h 35, quartier Châtelet (IVe arrondissement)

En milieu de soirée, des manifestants se retrouvent dans les rues du quartier Châtelet. Les images du reporter indépendant Jules Ravel révèlent une charge de la Brav-M contre une petite dizaine de jeunes alignés le long d’une terrasse de restaurant, les mains en l’air ou sur la tête. Parmi eux, Rémi qui, dans une interview au Parisien, confie s’en être tiré avec quatre points de suture à la base du crâne : «Je me suis dit, il va bien voir que je ne suis pas une menace, mais ça n’a pas du tout été le cas.» Nos confrères de Politis identifient formellement sur ces images un membre de la compagnie 12CI, constituée ce soir-là en Brav-M. Les mêmes qui, deux heures plus tard, brutaliseront un autre jeune homme vers Bastille.

Lundi 20 mars, 23 h 40, rue Saint-Antoine (IVe arrondissement)

Rue Saint-Antoine, une scène, filmée par les caméras de plusieurs médias indépendants, dévoile les images d’un jeune homme en train de courir, s’arrêter au niveau de deux autres personnes, faisant face à des policiers, près d’un kiosque à journaux. Au moins l’un des deux manifestants tient dans sa main un long bâton. Le jeune homme semble écarter les deux autres de la scène et se fait pousser une première fois par un policier de la Brav-M, casque de moto blanc sur la tête. Il demeure sur le côté lorsque, quelques secondes plus tard, un policier court vers lui et lui assène un violent coup.

Sur BFM TV, le préfet Nuñez annonce avoir accès aux premiers éléments d’un rapport qu’il a commandité. Il précise : «Un kiosque se trouve juste à côté, un individu qui dégrade ce kiosque est en cours d’interpellation et plusieurs individus s’opposent à cette interpellation, dont l’individu qui reçoit ce coup.»

Auprès de CheckNews, la préfecture de police de Paris indique que le jeune homme est reparti libre, sans blessures apparentes. Plus tard dans la journée, le parquet annoncera qu’une enquête préliminaire a été confiée à l’IGPN, les faits étant «susceptibles d’être qualifiés de violences commises par personne dépositaire de l’autorité publique».

Lundi 20 mars, 23 h 40, rue Saint-Antoine (IVe arrondissement)

Même heure, même endroit. La situation est très tendue dans le secteur Saint-Antoine où les Brav-M remontent la rue face aux manifestants. Le journaliste Justin Davis capte vingt secondes d’images où l’on peut voir un policier en tenue de motard se diriger vers un jeune homme qui marche devant lui, avant de lui adresser un violent coup de poing sur la tête. Le jeune s’écroule, sonné. La raison de ce coup demeure, à cette heure, inconnue.

Mardi 21 mars, 23 heures, avenue Daumesnil (XIIe arrondissement)

Des images révélées par le site Révolution Permanente montrent un manifestant poursuivi par un policier de la 32e CI et deux motards de la Division régionale motocycliste, dont un qui lui roule dessus. Il s’agit bien de forces de l’ordre qui agissent ici en formation Brav-M. Joint par CheckNews, Valentin, l’étudiant victime de l’attaque, confirme qu’un des véhicules lui a roulé sur la jambe gauche et assure avoir pris «des coups de tous les côtés» sans pour autant être interpellé. Après un passage aux urgences, mercredi, le jeune homme présentait plusieurs lésions «entraînant une incapacité temporaire totale de travail (ITT) de huit jours».

Jeudi 23 mars, 21 heures, boulevard Beaumarchais (Paris centre)

Paul Boyer, journaliste indépendant témoigne dans Libération avoir subi une agression de la part d’un policier de la Brav-M, alors qu’il était en reportage et clairement identifiable en tant que journaliste. Une agression qui lui a ouvert le crâne et fracturé la main gauche et pour laquelle il s’est vu signifier une ITT de quatorze jours. Les policiers descendus de moto, dit-il, se sont mis «à taper tout le monde», «à matraquer les gens», «sans qu’il n’y ait eu aucune explication». Il annonce vouloir porter plainte auprès de l’IGPN.