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Réforme des retraites : une mobilisation très forte malgré l’adoption du projet de loi

« On n’est pas fatigués, on ne va rien lâcher. » Dans le cortège de Montpellier, où le parcours a dû être modifié au regard d’une forte affluence, des enseignants de l’Université Paul-Valéry chantent ce refrain en rythme aux côtés de leurs étudiants. Ces derniers sont venus particulièrement nombreux défiler contre la réforme des retraites en cette neuvième journée d’actions. Parmi eux, Sarah, la cinquantaine, venue avec sa fille adolescente. « Je suis persuadée qu’il ne faut pas lâcher le terrain. Macron veut avancer comme un bulldozer, il bafoue le processus démocratique et impose une réforme qui n’a pas de sens. Il ne renoncera pas, mais nous non plus », explique-t-elle, étonnamment calme. « Je ne suis pas vindicative » précise-t-elle, en passant devant une chorale qui entonne le chant italien antifasciste « Bella Ciao », vite repris par la foule et les jeunes.

Ce 23 mars, la mobilisation à l’appel des syndicats a de nouveau été très forte partout en France à l’occasion de la première journée d’action organisée depuis l’adoption de la loi visant à repousser l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, à coup de 49.3, le 16 mars, et l’intervention télévisée d’Emmanuel Macron, le 22. 18 000 personnes ont défilé dans les rues selon la police, 40 000 selon les syndicats, soit beaucoup plus que le 15 mars, mais moins que le 7 mars. Plusieurs villes (Bordeaux, Strasbourg, Toulon et Rouen) ont même battu leur record de manifestants. Et la journée a été émaillée de blocages dans les transports et dans les raffineries – près de 15% des stations-service se trouvent à présent en difficulté – ainsi que de grèves dans les écoles, collèges et lycées et de coupures d’électricité, comme à Toulouse où plus de 37 000 clients ont été privés de courant.

« On peut encore changer les choses, rien n’est figé »

Le regain de mobilisation indique que le chef de l’Etat n’est pas du tout parvenu à apaiser les esprits lors de sa prise de parole au journal télévisé. Au contraire même ! Il a « jeté un bidon d’essence sur le feu » selon Philippe Martinez, leader de la CGT. Les syndicats sont convaincus que « l’entêtement » du président de la République a renforcé la détermination des opposants.

« J’ai écouté son discours hier soir, il est totalement déconnecté de la réalité des gens d’en bas, de leurs souffrances, de la précarité », regrette Mohammed, 60 ans, cadre de la fonction publique, rencontré dans le cortège de Montpellier. C’est la toute première fois qu’il manifeste depuis le début du mouvement en janvier. Ce qui l’a décidé à venir enfin battre le pavé ? « Le 49.3. C’est tellement violent. Contourner ainsi les députés, c’est inacceptable. Je ne suis pas quelqu’un d’agressif, mais je suis en colère. Une colère saine, justifiée ». Un inconnu passe alors à nos côtés, en criant « Macron démission ».

”Macron est déconnecté, il est hors sol”

Nina, 40 ans, agent de services dans une école élémentaire, n’a quant à elle « ressenti aucune émotion » en écoutant le chef de l’Etat s’adresser aux Français et leur demander notamment de faire preuve de compréhension. « Ce qu’il dit ne me fait ni chaud ni froid. C’est un homme sans empathie ni bienveillance envers son peuple. Je n’attends plus rien de lui ». Sa blouse de travail sur le dos, un badge orange de la CFDT sur le revers, elle refuse de se résigner. « On peut encore changer les choses, rien n’est figé » veut-elle croire. « Peut-être qu’il va accepter de baisser le report de l’âge légal de départ à la retraite à 63 ans ou renégocier des mesures sur la pénibilité au travail ou les maladies professionnelles ». Cela semble peu probable, le président de la République ayant fait état de sa volonté que la réforme des retraites soit mise en œuvre d’ici à la fin de l’année 2023.

« On a la rage »

En fin de journée, de violents affrontements ont éclaté entre la police et des manifestants, notamment à Paris, Nantes, Lorient et Rennes. De nombreuses personnes ont été interpellées par les forces de l’ordre, alors que les accusations de violences policières se multiplient ces derniers jours. Peu avant le départ du cortège parisien, le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger avait pourtant appelé « au respect des biens et des personnes, à la non-violence » pour garder l’opinion du côté des manifestants. « Jusqu’au bout il va falloir garder l’opinion, c’est notre pépite », et pour cela « il faut des actions non violentes, qui n’handicapent pas le quotidien des citoyens » expliquait-il au quotidien Libération. « On a la rage, on est frustrés parce qu’on a le sentiment de ne pas être entendus. Mais si ça part en violences, moi je m’en vais, je ne participerai plus », affirme Mary, étudiante en psychologie de 19 ans à Montpellier.

Selon une source proche du gouvernement, l’exécutif espère que la mobilisation « s’étiole » après la manifestation de jeudi, et que tout rentre dans l’ordre « ce week-end ». Circulez, il n’y a plus rien à voir ? On n’y croit guère…