Reconnaissance de la Palestine : quels enjeux territoriaux ?
Sur un plan juridique, la France, la Belgique et plusieurs autres pays reconnaissent aujourd’hui implicitement les frontières de l’Etat Palestinien établies par les Nations Unies. En réponse aux annonces de plusieurs pays de leur intention de reconnaître un Etat de Palestine, Israël a approuvé le mois dernier le projet controversé E1.
Sur le plan politique, « c’est une reconnaissance symbolique. Elle n’a pas de portées pratiques immédiates. Les pays reconnaissent plutôt l’aspiration de l’Etat palestinien. C’est une reconnaissance anticipée parce qu’ils jugent que la situation est exceptionnelle », explique Michel Liégeois, professeur en relations internationales à l’UCLouvain.
D’un point de vue juridique, la France, la Belgique et plusieurs autres pays reconnaissent aujourd’hui implicitement les frontières de l’Etat palestinien établies par les Nations Unies. « Quand on reconnaît la Palestine, c’est dans les frontières qui ont été définies par les Nations unies de manière assez précise. Les frontières sont celles de la ligne verte, qui résultent de l’armistice de 1949 et qui ont été plus ou moins respectées jusqu’en 1967 », précise Olivier Corten, professeur de droit international public à l’ULB.
### Vers une reconnaissance de l’Etat palestinien sur le terrain ?
Pour résoudre le conflit, une solution à deux États est soutenue depuis des décennies par la grande majorité de la communauté internationale. D’un côté, il y aurait Israël, de l’autre l’Etat palestinien, englobant la Cisjordanie et la bande de Gaza.
La question des frontières entre Israël et l’Etat palestinien a été définie en 1967. Cependant, la Cisjordanie est aujourd’hui totalement morcelée. Les zones de résidence palestinienne se mêlent aux colonies israéliennes illégales selon le droit international. La situation se dégrade, rendant de plus en plus difficile l’émergence de deux États distincts.
En dehors de Jérusalem-Est, occupée et annexée par Israël, environ trois millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie, côtoyant environ 500.000 Israéliens établis dans des colonies.
« Pour ceux qui sont les plus fervents partisans de ces colonies, en particulier ceux que l’on peut qualifier d’ultra-orthodoxes, cette terre est juive pour des raisons strictement religieuses. Il est donc impensable pour eux qu’elle puisse un jour devenir le lieu d’un Etat palestinien », explique Michel Liégeois.
« Bien qu’il y ait un accord demain entre le gouvernement israélien et une autorité palestinienne, l’Etat palestinien ne peut pas se réduire aux territoires actuellement sous autorité palestinienne. Premièrement, ce territoire n’est pas viable en raison de sa discontinuité. Ce sont de petites parcelles de terres non reliées. Deuxièmement, il n’est pas économiquement viable car les terres cultivables et celles riches en ressources en eau ont été accaparées par les colons », conclut le professeur en relations internationales de l’UCLouvain.
### Le projet E1 coupe le territoire palestinien en deux
En réponse aux déclarations de plusieurs pays souhaitant reconnaître un Etat de Palestine, Israël a approuvé le mois dernier le projet controversé E1.
Cette colonie de 3.400 logements séparerait les zones au sud de Jérusalem de celles au nord, empêchant la création d’une zone urbaine palestinienne continue reliant Ramallah, Jérusalem-Est et Bethléem. Le projet a été initié dans les années 90 et a toujours fait l’objet de vives critiques de la part de la communauté internationale.
« Il n’y aura pas d’Etat palestinien », a déclaré le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, il y a dix jours lors d’une visite de la colonie de Maale Adumim, en Cisjordanie.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a fermement condamné cette décision, tandis que l’Autorité palestinienne a dénoncé une nouvelle étape dans « l’annexion progressive de la Cisjordanie ».
Cette annexion s’est intensifiée sous l’exécutif actuel, surtout depuis le déclenchement de la guerre à Gaza le 7 octobre 2023, suite à l’attaque sans précédent du Hamas contre Israël.
Si une solution au conflit basée sur deux États doit être négociée, le plus difficile « sera de voir comment retirer au moins une partie significative de ces colons pour permettre à la Palestine d’exercer sa souveraineté effective sur une part substantielle de son territoire », conclut Olivier Corten, professeur de droit international à l’ULB.

