Qui est Joe Wilson, cet élu américain qui charge violemment la Tunisie?
Néoconservateur et ancien de l’administration Reagan, ce proche de Donald Trump se déchaîne contre la Tunisie et contre Kaïs Saïed sur les réseaux sociaux, appelant à des sanctions. Une attitude qui intrigue et inquiète, alors que le pays n’avait jusque-là pas semblé beaucoup intéresser Washington.
« Vos récents commentaires ont dépassé toutes les limites acceptables en matière de partialité et de diffamation, en particulier les menaces dirigées contre le président de la République tunisienne. »
Ce message, la députée tunisienne Fatma Mseddi vient de l’adresser à un autre parlementaire, Joe Wilson, 77 ans, représentant (et ancien sénateur) de la Caroline du Sud au Congrès des États-Unis.
« Nous rejetons fermement toute forme de menace, exigeons que vous corrigiez votre position et que vous présentiez des excuses pour ces propos qui ne respectent pas la souveraineté tunisienne », écrit encore la députée dans un message dont on peut penser qu’il s’adresse davantage à ses électeurs potentiels qu’à son homologue d’outre-Atlantique.
Affaire Instalingo
Pour comprendre ces propos, il faut les replacer dans leur contexte. Ils constituent une réaction à différents posts que Joe Wilson a publiés sur X depuis l’investiture de Donald Trump , le 20 janvier.
Tous ciblent les autorités tunisiennes, en particulier le président, Kaïs Saïed , et dépeignent une Tunisie qui aurait sombré dans la dictature. Une offensive qui semble téléguidée et qui étonne d’autant plus que, durant son précédent mandat, Trump n’avait fait aucun cas de la Tunisie, alors confrontée à de grandes difficultés.
Le représentant Wilson, qui se targue de connaître ce pays pour y avoir brièvement séjourné en 2019, semble nourrir une véritable obsession à son endroit. Néoconservateur évangélique, proche de Trump, il est incontestablement très influent et, à l’évidence, aime se mettre en scène.
Sans être un porte-voix officiel du 47e président des États-Unis, il s’est érigé, depuis près de deux semaines, en commentateur de l’actualité tunisienne, qu’il brocarde systématiquement. Il s’est notamment appesanti sur les peines de prison, qui, le 5 février, ont été prononcées dans l’affaire Instalingo à l’encontre de personnalités politiques et de journalistes tunisiens.
Dénonçant la sévérité de ce verdict ainsi que le nombre d’opposants emprisonnés, Joe Wilson, qui fut juge et notaire spécialiste des questions immobilières, assure qu’il « présentera bientôt un projet de loi visant à imposer des sanctions à la Tunisie ».
Elles viseront, ajoute-t-il, « ceux qui sont impliqués dans la subversion de la démocratie, l’emprisonnement de prisonniers politiques et les violations graves des droits de l’homme ». Aux messages de Fatma Mseddi il réplique que la Tunisie était « un exemple éclatant de démocratie dans le monde arabe » mais que « le président, Kaïs Saïed, a démantelé cette démocratie en suspendant la Constitution et le Parlement ». Dernière sortie en date : dans un nouveau message publié le 6 février sur ses réseaux sociaux, le représentant républicain appelle à la tenue d’élections anticipées en Tunisie.
« Obama, vous mentez ! »
L’ancien sénateur de Caroline du Sud, qui fut membre de l’administration Reagan dans les années 1980, est coutumier de ces coups d’éclat. En 2009, par exemple, il avait interrompu un discours du président Obama au Congrès en lançant un virulent : « Vous mentez ! »
Plus que l’outrance de l’élu américain, c’est l’absence de réaction officielle tunisienne qui étonne. « Dès le premier tweet de Joe Wilson, et compte tenu des fonctions que celui-ci occupe, le ministre tunisien des Affaires étrangères aurait dû convoquer l’ambassadeur des États-Unis et ne pas s’en laisser conter », s’indigne un ancien diplomate. Qui juge qu’à l’inverse les messages postés par la députée Fatma Mseddi sont contreproductifs.
« Elle a été piégée par un Joe Wilson en service commandé », renchérit un enseignant en communication politique, qui s’interroge sur l’avenir de l’aide américaine à la Tunisie. Un sujet que Joe Wilson lui-même évacue d’un lapidaire « Trump en décidera ».
Source : Frida Dahmani , Jeune Afrique