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Pourquoi les ultra-orthodoxes Israéliens sont-ils exemptés de service militaire ?

Chaque samedi, des manifestations sont organisées en Israël contre les privilèges dont bénéficient les ultra-orthodoxes, leur permettant d’éviter le service militaire obligatoire. Dans un contexte de guerre et de mobilisation massive, le choix du gouvernement de Benyamin Netanyahou de maintenir ces exemptions est incompréhensible pour une grande partie de la population.

Depuis plusieurs semaines, le pont au-dessus de l’autoroute qui sépare Bnei Brak, une localité ultra-orthodoxe de la banlieue de Tel-Aviv (centre), et Givat Shmuel, un bastion de juifs religieux sionistes, très présents dans l’armée, est le théâtre d’un face-à-face tendu.

Des ultra-orthodoxes passent, certains en courant, devant la haie de drapeaux israéliens, de pancartes les appelant à servir dans l’armée et de manifestants les haranguant dans des haut-parleurs : « la conscription pour tous ».

Malgré les effectifs supplémentaires réclamés par l’armée et la décision de la Cour suprême, qui a statué en juillet que les exemptions étaient illégales, le gouvernement de Benyamin Netanyahou, reposant largement sur son alliance avec les partis ultra-orthodoxes, défend un projet de loi qui les prolongerait.

Un « fardeau » qui date de la création d’Israël

Le service militaire est obligatoire en Israël, mais en vertu d’un accord remontant à la création du pays en 1948, quand les ultra-orthodoxes étaient peu nombreux (environ 400), ces derniers bénéficient d’une exemption de service militaire s’ils se consacrent à l’étude des textes sacrés du judaïsme.

Les dirigeants politiques et religieux ultra-orthodoxes s’opposent toujours à leur participation à l’armée, estimant que l’étude religieuse protège autant le pays.

La population ultra-orthodoxe représente aujourd’hui 14 % de la population juive d’Israël, soit près de 1,3 million d’habitants, et environ 66.000 hommes en âge de servir bénéficient d’une exemption.

Comment expliquer qu’aucun gouvernement ne soit revenu sur la question depuis 1948 ? Pour David Benaym, correspondant en Israël, les dirigeants politiques ont tenté à de maintes reprises de remettre en cause ces privilèges, sans jamais y parvenir.

« La raison pour laquelle cela ne s’est jamais fait, c’est la nature du système proportionnel israélien, où chaque siège est essentiel pour obtenir une majorité. Ces avantages se sont toujours maintenus dans les compromis de programme entre les différentes sensibilités. »

Face à la guerre, des privilèges difficiles à justifier

Mais depuis le 7 octobre 2023 et le retour de l’armée israélienne dans la bande de Gaza, en Cisjordanie, au Liban et en Syrie, Israël se bat sur plusieurs fronts.

Pour Ofer Bronchtein, président du Forum international pour la paix et militant pacifiste, le tribut de cette guerre commence à devenir trop lourd pour la société israélienne.

« La majorité de la population demande un cessez-le-feu pour obtenir la libération des otages. Cette guerre se poursuit seulement pour des raisons politiques. L’extrême droite israélienne va-t-en-guerre compte sur ce conflit pour maintenir la société israélienne soudée. » Face a l’aveuglement du gouvernement, la colère monte.

Michal Vilian, 60 ans, habitante de Givat Shmuel, participe aux manifestations organisées par le collectif de femmes religieuses « partenaires pour porter le fardeau ».

Ses quatre fils et son beau-fils ont été mobilisés pratiquement sans interruption depuis le 7 octobre comme réservistes dans des unités combattantes à Gaza, au Liban et récemment en Syrie.

« Nous sommes ici pour demander de l’aide à nos frères qui vivent juste de l’autre côté du pont, leur dire de […] partager le poids du fardeau » avec les réservistes, explique la médecin, la tête couverte du turban des femmes sionistes religieuses.

Comme elle, la majorité de la population n’accepte plus ces privilèges et ne comprend pas le refus des ultra-orthodoxes de servir l’Etat d’Israël. Pour David Benaym, c’est encore plus incompréhensible que certaines femmes ultra-orthodoxes peuvent effectuer leur service militaire, mais pas les hommes.

Un prix de plus en plus lourd

Depuis le 7 octobre, plus de 800 soldats ont été tués à Gaza, lors de l’offensive israélienne dans le sud du Liban contre le Hezbollah ou d’opérations en Cisjordanie occupée.

Pour les sionistes religieux, alliés avec les ultra-orthodoxes dans la coalition gouvernementale et jusque-là prêts à faire des compromis sur la question des exemptions, le prix du sang est devenu trop lourd.

Militant pour la paix, Ofer Bronchtein l’assure, de plus en plus d’Israéliens tentent d’éviter l’armée :

« Après un premier passage en réserve, beaucoup ne souhaitent plus retourner au front. Soit parce qu’ils ne sont pas d’accord avec les objectifs, où parce qu’ils estiment que d’autres devraient contribuer aussi. »

Des désertions officieuses, justifiées par des problèmes de santé ou familiaux, permettant à ces Israéliens de passer entre les mailles du filet.

Impossible de faire marche arrière ?

Une des fondatrices du Forum des épouses des réservistes, Rotem Avidar Tzalik, dit vivre dans une « réalité parallèle ». Depuis plus d’un an, son époux a été mobilisé plus de 200 jours.

Cette avocate de 34 ans, mère de trois enfants, explique que le poids de la mobilisation est devenu « insupportable » pour les familles de réservistes sur les plans économique et psychologique.

Elle souligne que « même un millier » d’ultra-orthodoxes supplémentaires dans l’armée, au-delà des quelques milliers qui servent déjà, aurait un « impact énorme ».

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Mais pour David Benaym, impossible de faire marche arrière maintenant : « Ces tensions réapparaissent aujourd’hui car le Parlement doit voter prochainement le budget avec une majorité extrêmement instable. »

Le gouvernement en place étant à quelques sièges de l’effondrement, Benyamin Netanyahou ne peut se permettre de se créer de nouveaux ennemis dans sa propre majorité. Malgré l’opposition de son propre camp, il devrait être contraint de maintenir ces exemptions qui sèment la discorde en Israël.