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Parole d’artiste.

Je commencerais ce commentaire des récentes déclarations de Trump sur le Moyen Orient par une question que feu Ammar Farhat posait, en Français, à l’un de ses interlocuteurs, réunis à la terrasse du Café de Paris, côté Avenue de Carthage, lorsque ce dernier s’embourbait dans des considérations théoriques éloignées de toute réalité. Ammar disait : « Où veux-tu en venir ? ». Formule qui au-delà de « que veux-tu dire » signifie aussi la finalité et l’intention qui sous-tend ton dire.

J’ai parlé, il y a une semaine de l’impérialisme marchand de Trump, origine réelle de tout impérialisme, différent de l’impérialisme des canonnières dont on assiste au crépuscule, après sa mise à nu par la démystification de sa couverture idéologique humaniste, comme principale conséquence de l’avènement de Toufan El Aqça.

L’adoption de la diplomatie et de l’information de « deux poids, deux mesures » est le signe de l’abandon des valeurs humanistes dont l’universalisation a permis, l’imposition du modèle occidental de civilisation à toute l’humanité. Comme ne cesse de le marteler, en France, aussi bien Mélanchon que De Villepin. L’abandon de l’Humanisme universaliste, qui était la couverture du fait accompli, de l’ère coloniale, dont L’Afrique et la Palestine en sont les derniers lieux de manifestations, permet aux idéologies fascistes de tous bords de s’afficher en plein jour, sans mauvaise conscience coupable, consciente ou inconsciente et en toute effronterie.

L’impérialisme marchand n’a pas de principe et se passe du respect de tout principe. La raison sociale de son adepte ,c’est à dire sa fonction, est la recherche de son interêt matériel dans son commerce avec les hommes, compris comme fondement de toute activité d’échange., nécessairement intéressé. Il va de soi que l’impérialisme marchand , dégagé de sa couverture humaniste, se retrouve, par la même libéré, du lien que l’on établissait entre les valeurs marchandes et celles de la vie en démocratie. Tout en ayant pour devise morale « gagner de l’argent c’est vertueux ». C’est le propre de la pensée butée de Trump qui traite tous ceux qui ne pensent comme lui d’idiots, y compris ceux parmi ses conseillers qui osent exprimer leurs désaccords avec lui. Dans cette optique fortement intéressée, même s’il déclare son refus de principe du recours à la guerre, il n’en demeure pas moins que ce refus n’est pas de nature morale mais est motivé, par son désir de faire de la guerre une activité lucrative de service que ses alliés de l’OTAN doivent payer à son juste prix, en dehors de tout principe de solidarité entre nations unis par leur appartenance commune à la même Civilisation, comme le revendique cet écervelé de Natanyahou et les chroniqueurs des médias Bolloré qui le soutiennent à tue tête, à longueur de journée.

Alors, où Trump veut en venir ? Il fait pression sur Natanyahou pour lui faire accepter sa « défaite » à Gaza et en compensation, il lui livre les 2000 bombes dont la livraison a été suspendue par Biden. En justifiant cet acte, non pas en termes de soutien ou de solidarité mais en précisant que ces bombes ont été payées par leur acheteurs. Alors que ces bombes étaient fournies à Israël, sous formes d’aide. Aide qu’il vient de confirmer, tout en taisant sa décision concernant l’aide à l’Ukraine. Un bon négociant ne peut miser sur un perdant à vue d’oeil.Toujours dans cette logique de marchandage, il vient de concéder à Natanyahou l’idée de l’aider à réaliser son rêve du Grand Israëll, comme il l’a fait lors de son premier mandat. Et pour ce, il a demandé l’impossible à l’Egypte et à la Jordanie, en sachant, en bon réaliste que Natanyahou n’est plus aussi crédible qu’avant et que ses partenaires arabes ne peuvent plus ignorer l’existence du peuple palestinien et la nécessité de se rabattre sur leur exigence ancienne de l’application de la solution à deux états. En termes
de négoce, il vient de faire une promesse de soutien qu’il ne peut honorer sans entrer en guerre contre le reste du monde.

Contrairement aux apparences, Natanyahou et Trump ne sont pas du même bord. Ils semblent avoir un but commun mais leurs raisons ne sont pas les mêmes. Fini le temps de la connivence contradictoire du Sionisme messianique juif d’extrême droite et le sionisme messianique chrétien d’Amérique, tous deux à référence biblique. Natanyahou est un fanatique, habité par l’idéologie suprématiste du peuple élu et Trump, je le dis au risque de choquer les honnêtes philosophes, est un faux adepte de l’idée de Surhomme de Nietzsche, dont l’horizon se situerait au-delà du Bien et du Mal, et pourrait interpréter, au cas où il aurait connaissance de son existence, cette mystique objective du grand philosophe allemand, sous l’angle à partir duquel il a été lu par le nazisme. L’entente entre Natanyahou et Trump n’est pas une alliance, mais un accord de marché que l’on est en droit de résilier à n’importe quel moment. Natanyahou est réputé rusé parce qu’il est capable de contradiction en étant sans foi ni loi. Mais saura-il l’emporter sur Trump, réputé rusé, lui aussi, mais dégagé des obédiences idéologiques qui permettaient à Natanyahou de défier Obama et Biden dans leur propre demeure? …Mais où veux-tu en venir, m’aurait dit Ammar Farhat. Parole d’artiste.

Naceur Bencheikh