One Piece : Drapeau du manga, symbole de révolte de la « Gen Z »
Le drapeau pirate de Luffy a été brandi pour la première fois en Indonésie en août, en signe de protestation contre le gouvernement. Depuis fin septembre, ce symbole se retrouve dans des cortèges à Madagascar, notamment grâce au compte Instagram « Gen Z Madagascar ».

« Luffy, c’est celui qui libère les peuples, qui se bat contre un gouvernement corrompu ». À Madagascar, aux Philippines et ailleurs, le drapeau pirate du héros de One Piece, le manga le plus vendu de l’histoire, est devenu en quelques semaines le symbole d’une génération de jeunes manifestants. Brandie en Indonésie en août par des citoyens en signe de protestation contre le gouvernement, qui a menacé de l’interdire, cette tête de mort coiffée d’un chapeau de paille a été adoptée par des manifestants au Népal mi-septembre, puis à Manille.
Depuis fin septembre, elle fait son apparition dans des cortèges à Madagascar, notamment grâce aux réseaux sociaux, en particulier le compte Instagram « Gen Z Madagascar », qui mobilise cette génération née après l’an 2000.
Lutte contre l’oppression
« J’ai grandi avec One Piece, comme la grande majorité de la Gen Z, donc c’est devenu un symbole pour nous », explique « Kai », 26 ans, manifestant sous pseudonyme sur la grande île de l’océan Indien, où la jeunesse constitue l’écrasante majorité de la population. Pour le jeune Malgache, l’œuvre culte d’Eiichiro Oda, née en 1997 au Japon et toujours en cours de parution, véhicule un « message » clair de lutte contre les « gouvernements qui oppriment ».
Selon Phedra Derycke, auteur de « One Piece : Leçons de pouvoir », cette réappropriation du pavillon de Monkey D. Luffy, le jeune héros au chapeau de paille qui parcourt les mers pour devenir le « roi des pirates », s’explique par la dimension « universelle » de son périple. « C’est une série qui dure depuis plus de vingt ans, vendue à des centaines de millions d’exemplaires dans le monde, et qui véhicule des idéaux de rêve, de liberté », note l’expert.
Au fil de ses escales sur diverses îles, souvent inspirées de pays réels comme l’Égypte, l’Espagne ou le Japon, Luffy s’oppose à des groupes dominants.
Imaginaire d’une génération
Il devient ainsi malgré lui le héros de peuples opprimés, qui espèrent le voir mettre fin au règne cruel du gouvernement mondial, l’entité politique à laquelle la majorité des royaumes et autres États aperçus dans les plus de cent tomes de la série sont soumis. « Derrière l’aventure de pirates accessible à tous, Oda développe de nombreuses thématiques politiques : une caste dirigeante qui profite du peuple, l’esclavage, les discriminations, le racisme… », constate Phedra Derycke.
Selon l’expert, les mobilisations actuelles de la jeunesse reflètent certaines scènes de One Piece montrant des révoltes massives contre le pouvoir en place. La nature « dépolitisée » de cette tête de mort contribue également à sa popularité dans différentes régions du monde, y compris en France, où elle a été aperçue dans des manifestations contre le gouvernement depuis septembre.
Culture numérique
Pour Elisabeth Soulié, anthropologue et auteure de « La génération Z aux rayons X », l’aspect « émotionnel » de ce symbole « unificateur » joue un rôle important dans sa réappropriation par une génération, difficile à comprendre sans la culture numérique qui « a construit son imaginaire ». « Cette image contient de l’affect, des émotions, et celles-ci circulent à travers des représentations qui permettent de se mobiliser », souligne-t-elle, en notant que la génération Z se mobilise autant en ligne que dans la réalité, de manière collective, sans leader spécifique.
En effet, selon Phedra Derycke, en tant que symbole de « révolte populaire contre l’ordre établi », le drapeau pirate de Luffy pourrait « gagner encore en importance dans le monde » par mimétisme via les réseaux sociaux. Ces derniers jours, le drapeau a ainsi été signalé au Pérou.

