Mort de Charlie Kirk : Trump censeur du maccarthysme ?
Charlie Kirk a été assassiné le 10 septembre sur un campus de l’Utah, ce qui a entraîné la suspension et le licenciement de plusieurs personnes ayant critiqué son influence. Donald Trump a applaudi « le courage » de la chaîne ABC pour avoir suspendu l’émission de Jimmy Kimmel « pour une durée indéterminée ».
Depuis l’assassinat de Charlie Kirk le 10 septembre sur un campus de l’Utah, son nom est omniprésent. Ceux qui osent critiquer l’influenceur conservateur défunt, proche de Donald Trump, en paient le prix. Des dizaines de personnes ont été suspendues, voire licenciées, pour avoir publié des messages jugés inappropriés sur les réseaux sociaux.
Mercredi, le célèbre animateur Jimmy Kimmel a également subi les conséquences en apprenant la suspension de son émission « pour une durée indéterminée ». Cette situation soulève la question de la liberté d’expression dans un pays qui en fait pourtant un principe fondamental.
La chasse aux publications sur les réseaux sociaux
Chaque jour qui s’écoule depuis la mort de Charlie Kirk alimente la liste des sanctions imposées à diverses personnes, tous milieux confondus. En Caroline du Sud, l’université de Clemson a annoncé le licenciement et la suspension de deux professeurs lundi. Anthony Pough, employé des services secrets américains, a quant à lui été sanctionné pour un post Facebook affirmant que le protégé de Donald Trump « répandait la haine et le racisme ».
Des pilotes, des militaires et des professionnels de santé ont également été frappés par cette répression. La sphère conservatrice a en effet lancé une vaste chasse aux sorcières sur les réseaux sociaux, encouragée par l’administration républicaine : appels aux employeurs, avis Google défavorables… Tous les moyens sont bons pour faire taire les voix critiques.
Donald Trump s’en réjouit. Il a applaudi « le courage » de la chaîne ABC, qui a fait « ce qui devait être fait » en écartant Kimmel. L’humoriste a eu le tort de souligner que le mouvement MAGA cherchait « à tirer un avantage politique » de l’assassinat de Charlie Kirk. Une remarque jugée intolérable par le président, toujours peu enclin à accepter la critique. Et pourtant…
La sacro-sainte première amendement
La liberté d’expression est protégée par le premier amendement de la Constitution des États-Unis. En 1977, la Cour suprême avait donné un signal clair en estimant qu’une manifestation nazie ne pouvait être interdite dans l’Illinois. Aussi choquant qu’un défilé de croix gammées puisse être, la Constitution américaine protège ce type de manifestations au nom de la liberté d’expression.
Et Donald Trump ? Il se présente comme le défenseur de ce principe. Criant à la censure lors de son bannissement de Twitter en 2021, il a créé le réseau Truth Social pour offrir, dit-il, une plateforme sans contraintes à la liberté d’expression. Le 20 janvier dernier, dès son retour à la Maison-Blanche, il a signé un décret dénonçant les atteintes à la liberté d’expression sous le précédent gouvernement.
« Le premier amendement de la Constitution des États-Unis consacre le droit du peuple américain à s’exprimer librement sur la place publique sans ingérence du gouvernement, précise le texte. Au cours des quatre dernières années, l’administration précédente a bafoué la liberté d’expression en censurant les propos des Américains sur les plateformes en ligne, souvent en exerçant d’importantes pressions coercitives sur des tiers, tels que les réseaux sociaux, pour modérer, supprimer ou autrement faire taire les discours désapprouvés par le gouvernement fédéral. » Le texte conclut : « La censure gouvernementale de la parole est intolérable dans une société libre. »

« Un précédent dangereux »
Malgré les déclarations éloquentes, le camp MAGA démontre un respect à géométrie variable pour la liberté d’expression. Face à la pression de la Maison-Blanche suite à l’assassinat de Charlie Kirk, Alex Abdo, membre du Knight First Amendment Institute de l’université Columbia, rappelle que « le discours politique est protégé par le premier amendement, même lorsqu’il est profondément choquant ». « Pour cette raison, il est généralement inconstitutionnel pour les employeurs publics de licencier des employés en raison de leurs opinions politiques, et il est généralement inconstitutionnel pour le gouvernement de contraindre les employeurs privés à censurer les discours en son nom », explique-t-il à 20 Minutes.
Le juriste conclut : « Le meurtre de Charlie Kirk est une tragédie, mais les responsables gouvernementaux ne devraient pas l’exploiter pour censurer les discours politiques qui leur déplaisent. »
Anna Gomez, unique commissaire démocrate à la Commission fédérale des communications (FCC, équivalent de l’Arcom), a également exprimé ses inquiétudes sur CNN. Selon elle, les propos de Jimmy Kimmel ne sont « ni illégaux, ni un motif valable pour que les entreprises capitulent devant cette administration d’une manière qui viole le premier amendement. Cela crée un nouveau précédent dangereux. »
Le spectre des années 1950
Sur X, la sénatrice de Californie Sasha Renée Perez évoque un « maccarthysme moderne », en référence à la chasse aux sorcières menée au début de la Guerre froide par l’administration américaine contre les citoyens jugés déloyaux, proches de l’idéologie communiste. « Cela va bien au-delà du maccarthysme », affirme Christopher Anders, directeur du département démocratie et technologie à l’Union américaine pour les libertés civiles, au Washington Post. « Les responsables de l’administration Trump abusent sans cesse de leur pouvoir pour étouffer les idées qui leur déplaisent, décidant qui peut s’exprimer, écrire et même plaisanter. La liberté d’expression n’a jamais été aussi menacée. »
Trump a notamment engagé des poursuites contre le New York Times suite à des articles sur ses liens avec le pédocriminel défunt Jeffrey Epstein, réclamant 15 milliards de dollars de dommages et intérêts au journal. Un montant extravagant, mais légal selon la Constitution. Pour le président américain, la liberté d’expression semble finalement moins fondamentale lorsque cela l’arrange.

