Monaco : Le dossier de corruption contre le milliardaire russe Rybolovlev s’évapore

La justice monégasque a annulé ce jeudi l’essentiel de l’énorme dossier de corruption touchant le milliardaire russe Dmitri Rybolovlev et d’anciens hauts responsables de Monaco, réduisant à néant huit années de procédures, indiquent des sources judiciaires. L’enquête se fondait sur des milliers de messages exhumés du téléphone de l’avocate du milliardaire russe, propriétaire du club de Ligue 1 de football de l’AS Monaco, mais la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait jugé cette fouille illégale en juin 2024.
Jeudi, la chambre du conseil de la cour d’appel monégasque a donc pris acte de cette décision : toutes les pièces du dossier liées à l’analyse du téléphone sont annulées, y compris l’ouverture de l’instruction et donc les inculpations, l’équivalent des mises en examen dans le droit monégasque.
Sous réserve d’un hypothétique pourvoi en révision, la perspective d’un procès choc s’envole, alors que Monaco s’applique depuis plusieurs années à convaincre les organismes internationaux de ses efforts en matière de lutte contre la corruption, de transparence ou encore de lutte contre le blanchiment d’argent.
Une affaire d’escroquerie qui tourne au scandale public
Tout est parti d’une impressionnante collection de tableaux que Dmitri Rybolovlev avait achetés via le marchand d’art genevois Yves Bouvier, avant d’accuser celui-ci en 2015 de l’avoir escroqué à hauteur d’un milliard d’euros. Après des années d’un affrontement judiciaire aux multiples ramifications internationales, les deux hommes ont certes réglé leur différend fin 2023. Mais, entre-temps, à Monaco, l’affaire avait tourné au scandale public.
En 2017, l’avocate du milliardaire russe, Tetiana Bersheda, avait remis son téléphone aux enquêteurs, pour prouver qu’elle n’avait pas tronqué un enregistrement déposé dans le cadre de la procédure. Le juge d’instruction chargé du dossier, Edouard Levrault, magistrat français à l’époque détaché à Monaco, avait alors demandé une analyse très poussée du téléphone, y compris des milliers de messages que maître Bersheda avait pris soin de faire effacer.
Cette fouille avait révélé des échanges avec de hauts responsables monégasques montrant, selon l’accusation, que Dmitri Rybolovlev avait utilisé son entregent sur le Rocher pour tenter de piéger Yves Bouvier. Sur cette base, le milliardaire et son avocate avaient été inculpés pour corruption et trafic d’influence, au côté de hauts responsables monégasques : l’ancien secrétaire d’Etat à la Justice Philippe Narmino, l’ancien ministre de l’Intérieur Paul Masseron, l’ancien procureur général Jean-Pierre Dreno ou encore trois anciens dirigeants de la police judiciaire et de la Sûreté publique monégasques. Tous ont toujours clamé leur innocence.
La validité de l’expertise finalement annulée
Contestée par les personnes mises en cause et par le parquet, la validité de l’expertise du téléphone a été reconnue à tous les échelons monégasques mais pas par la CEDH, chargée d’assurer le respect de la Convention sur les droits de l’homme dans les 46 Etats membres du Conseil de l’Europe. En juin 2024, elle a estimé que l’expertise demandée par le juge Levrault, apparentée à la perquisition du bureau d’une avocate, était beaucoup trop large par rapport aux faits dont il était alors saisi.
A la suite de cette décision, la justice fédérale suisse avait classé fin octobre une procédure engagée contre Dmitri Rybolovlev. « Nous nous réjouissons que la justice monégasque en fasse de même aujourd’hui », ont salué les avocats du milliardaire et de Tetiana Bersheda dans un communiqué.