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L’Europe cherche un dépotoir de migrants , la Hongrie fustige l’accord – Actualités Tunisie Focus

Au lendemain d’un accord entre les ministres de l’Intérieur européens, ouvrant notamment la voie à une relocalisation contraignante des migrants au sein de l’UE, le gouvernement hongrois condamne un passage en force des instances européennes.

«Bruxelles abuse de son pouvoir. Ils veulent délocaliser les migrants en Hongrie par la force». Ce 9 juin au matin, Viktor Orban a fustigé l’accord décroché la veille sur la refonte de la politique d’asile au sein de l’UE. «C’est inacceptable ! Ils veulent transformer la Hongrie en pays d’immigrés par la force», poursuit le Premier ministre hongrois, dans son message posté sur Facebook.

Le 8 juin au soir, la présidence suédoise de l’UE annonçait être parvenue à dégager une majorité sur ce dossier sensible et bloqué depuis des années. «Je suis extrêmement heureuse et très fière», a déclaré à la presse Maria Malmer Stenergard, ministre suédoise des Migrations. «Pour être honnête, je ne pensais pas vraiment que je serais là à dire cela», a-t-elle confié.

20 000 euros par migrant refusé

Réunis à Luxembourg, les ministres de l’Intérieur des 27 ont adopté deux règlements, ouvrant la voie à leur examen au Parlement européen. En l’occurrence, la mise en place d’une procédure d’examen accélérée pour les demandeurs d’asile ayant statistiquement le moins de chance de se voir accorder le statut de réfugié et celle d’un «mécanisme de solidarité».

Ce dernier obligera les Etats membres à choisir entre accueillir sur leur sol des migrants arrivés dans les pays sous forte pression migratoire ou à verser une compensation financière. De l’ordre de 20 000 euros par migrant refusé, cette dernière sera versée sur un fonds géré par la Commission européenne afin de financer des projets liés à la gestion de l’immigration.

Une obligation «signifiant que les Etats membres n’auront plus leur mot à dire sur qui réside sur leur territoire», a fustigé le vice-ministre hongrois de l’Intérieur, Bence Retvari. Celui-ci a également critiqué un processus «bafouant les valeurs européennes», soulignant que les textes n’avaient été soumis que «quelques minutes, au mieux une demi-heure» avant le vote. «Les gouvernements pro-migration ont «fait pression» sur leurs partenaires, a déploré le responsable hongrois.

Des textes qui pourraient être adoptés avant le prochain scrutin européen

L’adoption de ces textes nécessitait l’aval de 15 des 27 Etats membres, représentant au moins 65% de la population de l’UE. La Hongrie et la Pologne ont voté contre. D’autres Etats, comme l’Italie, qui subit une pression migratoire toujours plus forte en Méditerranée, se sont félicités de cet accord.

«Nous avons écarté l’hypothèse selon laquelle l’Italie et tous les Etats membres de première entrée seraient payés pour garder les migrants irréguliers sur leur territoire», a déclaré dans un communiqué le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Piantedosi. «L’Italie ne sera pas le centre d’accueil des migrants au nom de l’Europe», a-t-il ajouté.

«Ce ne sont pas des décisions faciles pour tous ceux qui sont autour de la table, mais ce sont des décisions historiques», a salué la ministre allemande de l’Intérieur, Nancy Faeser. «Tout cela n’est pas parfait, mais c’est en faisant ce compromis que nous arriverons à être plus efficaces et surtout à faire vivre l’Union européenne», a déclaré pour sa part le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui a dû quitter la réunion en raison de l’attaque au couteau survenue à Annecy et où plusieurs enfants en bas âge ont été gravement blessés par un demandeur d’asile syrien.

Du côté de Bruxelles, la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johanssson a salué une «étape très importante». La présidente du Parlement européen Roberta Metsola a évoqué une «percée», soulignant que son institution était prête à débuter les pourparlers.

Alors, que contient l’accord ?

1/ Mécanisme de solidarité

L’un des textes agréés par les ministres prévoit un système de solidarité entre États membres dans la prise en charge des migrants. Quelque 30 000 demandeurs d’asile seraient relocalisés chaque année dans un pays de l’Union européenne (UE).

Ce mécanisme de solidarité serait rendu obligatoire mais « flexible » au sein de l’UE dans la prise en charge des exilés.

Les États membres seraient tenus d’accueillir un certain nombre de ces demandeurs arrivés dans un pays de l’UE soumis à une pression migratoire, ou à défaut d’apporter une contribution financière.

Les pays qui refuseraient d’accueillir des migrants devraient payer 20 000 euros pour chaque demandeur d’asile non relocalisé. Ces sommes seraient versées sur un fonds géré par la Commission et destiné à financer des projets liés à la gestion de la migration.

2/ Examen accéléré des demandes d’asile

L’autre texte endossé par les ministres contraint les États membres à mettre en œuvre une procédure accélérée d’examen des demandes d’asile -12 semaines maximum-, dans des centres situés aux frontières, pour les migrants qui ont statistiquement le moins de chances de se voir accorder le statut de réfugié.

C’est le cas, par exemple, des ressortissants « du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie, du Sénégal, du Bangladesh et du Pakistan », a commenté la secrétaire d’État belge à l’Asile et à la Migration, Nicole de Moor.

L’objectif est de faciliter le renvoi de ces migrants vers leur pays d’origine ou de transit.

3/ Des propositions non retenues

Lors des discussions, une dizaine d’États membres, dont l’Italie et la Grèce, ont exprimé leur opposition ou leurs réserves sur les propositions sur la table.

C’est le cas par exemple de la volonté de certains pays verser de l’argent aux pays en première ligne dans les arrivées de migrants. En échange, ces États géreraient l’accueil des exilés.

Une proposition farouchement rejetée par certains pays, dont l’Italie. « Nous avons écarté l’hypothèse selon laquelle l’Italie et tous les États membres de première entrée seraient payés pour garder les migrants irréguliers sur leur territoire. L’Italie ne sera pas le centre d’accueil des migrants au nom de l’Europe », a indiqué dans un communiqué le ministre italien Matteo Piantedosi.

L’Italie et la Grèce, ainsi que d’autres pays, réclamaient de leurs côtés de pouvoir renvoyer des migrants déboutés du droit d’asile vers des pays tiers « sûrs » par lesquels ils ont transité, même en l’absence d’autres liens (famille, travail…) entre le migrant et ce pays. Une idée qui rencontrait l’hostilité de l’Allemagne. Le compromis prévoit qu’il revient aux États membres d’apprécier si le simple transit constitue un lien suffisant.

La ministre allemande avait réclamé que « les familles avec des enfants en bas âge ne soient pas soumises à la procédure frontalière ». Cette disposition, qui était défendue par une minorité d’États membres, ne figure toutefois qu’en annexe du texte.

4/ Hostilité de certains pays

La Pologne et la Hongrie ont voté contre la réforme, tandis que la Bulgarie, Malte, la Lituanie et la Slovaquie se sont abstenues, a-t-on appris auprès de la présidence suédoise du Conseil de l’UE, qui a mené les longues et complexes négociations.