International

Lettre de l’ambassade des États-Unis : Entreprises visées, légalité, conséquences… Le point sur cette « ingérence »

Un courrier peu anodin. C’est ce qu’ont reçu plusieurs grandes entreprises françaises ce week-end de la part de l’ambassade des Etats-Unis à Paris. Transmis avec un « formulaire de certification », celui-ci exige des destinataires qu’ils attestent ne pas appliquer de politiques favorisant la diversité, l’équité ou l’inclusion – les fameux programmes « DEI » (Diversity, Equity and Inclusion).

Derrière ce message : le décret 14173 « anti-woke » signé par Donald Trump dès sa réélection, qui vise à interdire toute forme de « discrimination positive » dans l’appareil d’État fédéral américain et dans ses relations commerciales. La France parle « d’ingérences inacceptables ». 20 Minutes fait le point sur cette affaire.

Que contient cette lettre ?

Cette missive envoyée la semaine dernière invoque le décret présidentiel signé par le président américain dès son retour à la Maison-Blanche. Elle explique que celui-ci « s’applique également obligatoirement à tous les fournisseurs et prestataires du gouvernement américain ».

La lettre précise que les destinataires ont cinq jours pour y répondre en s’y conformant ou alors en justifiant les raisons du refus.

Quelles entreprises sont concernées ?

Selon Les Échos qui a révélé l’affaire, plusieurs dizaines d’entreprises tricolores auraient reçu ce courrier. Le Ministère de l’Economie et des Finances expliquait samedi à l’AFP être encore en train de les recenser.

Les secteurs concernés incluent notamment l’énergie, la pharmacie, les télécoms, le conseil et le luxe.

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Est-ce légal ?

La Maison-Blanche peut-elle dicter des politiques aux entreprises françaises ? Non selon Christopher Mesnooh, un avocat d’affaire américain joint par l’AFP. Mais cette manœuvre peut cependant être un moyen de pression économique conséquent sur les entreprises qui refuseraient de s’y soumettre en leur barrant purement et simplement l’accès au marché américain.

En France, la discrimination positive fondée sur l’origine, la religion ou l’ethnie est interdite. Toutefois, des politiques favorisant la parité femmes-hommes, l’emploi des personnes en situation de handicap ou la lutte contre les discriminations sont inscrites dans la loi. Depuis 2021, les entreprises de plus de 1.000 salariés doivent viser 30 % de femmes cadres dirigeantes d’ici à 2027, et 40 % en 2030. Ne pas respecter ces obligations peut entraîner des sanctions financières. En d’autres termes, accepter les exigences du gouvernement américain reviendrait à se mettre en infraction avec la législation française.

Qu’en dit le gouvernement Français ?

La réaction de l’État français ne s’est pas fait attendre. Laurent Saint-Martin, le ministre du Commerce extérieur se dit « profondément choqué ». Le ministre a appelé à « ne pas transiger » avec la loi et les « valeurs françaises » avant d’expliquer qu’il devait avoir une réunion avec les autorités américaines en France afin de comprendre leur démarche.

Le ministre de l’économie a de son côté mis en garde contre la valeur juridique incertaine du document. Il a jugé que cette pratique « reflète les valeurs du nouveau gouvernement américain. Ce ne sont pas les nôtres », et s’engage à accompagner les entreprises concernées. Aurore Bergé, ministre déléguée à la Lutte contre les discriminations, a elle aussi condamné un « ultimatum » inacceptable et appelé à une réponse européenne, expliquant que des filiales en d’autres pays de l’Union Européenne avaient également reçu ces courriers.

Et du côté des syndicats ?

Au-delà de la légalité, cette initiative soulève des inquiétudes politiques et éthiques. Le patron du Medef, Patrick Martin, parle d’une démarche « inadmissible » et explique qu’il est « hors de question » de renoncer aux règles d’inclusion dans les entreprises françaises.

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Aux États-Unis, des géants comme Meta, Target, Walmart, Paramount ou BlackRock ont déjà abandonné leurs politiques DEI sous pression politique.