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L’Espagne condamnée pour de graves irrégularités dans un viol par soumission chimique

L’affaire de viol avec soumission chimique, traitée en Espagne, remonte au 7 décembre 2016 et a été condamnée par la CEDH. En novembre 2023, la CEDH a condamné l’Espagne à verser 20.000 euros à chaque plaignante pour « dommage moral » et 5.000 euros conjointement pour frais et dépens.


« Graves irrégularités », « éventuelles falsifications de preuves », collusion entre l’un des accusés et un policier, et lenteur de l’enquête… Les accusations sont sérieuses concernant une affaire de viol avec soumission chimique en Espagne, qui a été condamné par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).

Les faits se sont déroulés le 7 décembre 2016, lorsque deux Espagnoles ont rencontré deux hommes dans un bar. Au réveil le lendemain matin, les deux femmes se retrouvent déshabillées chez l’un de ces hommes, sans aucun souvenir de la nuit, et affirment avoir été droguées et violées, selon le communiqué de la CEDH publié à son siège à Strasbourg. Après leur arrestation et leur interrogatoire, les deux hommes soutiennent que les relations étaient consenties.

Quelques semaines plus tard, une enquête révèle que l’un des accusés est le beau-frère d’un policier assigné à l’unité en charge de l’affaire. Cette enquête met également en lumière que « plusieurs éléments de preuve potentiellement cruciaux », tels que les données du téléphone portable de l’un des accusés ou des images de vidéosurveillance du bar, « ont disparu ou ont été altérés alors qu’ils étaient sous la garde de la police ».

En 2018, le parquet abandonne les poursuites contre les suspects, indiquant qu’il n’y avait « pas suffisamment d’éléments pour établir que des relations sexuelles non consenties avaient eu lieu ».

Un autre processus ouvert sur d’éventuelles fautes et falsifications des preuves conclut en 2021 que les éléments recueillis ne permettent pas de prouver que « les suspects avaient administré aux requérantes des substances incapacitantes ou qu’ils savaient qu’elles étaient inconscientes durant les relations sexuelles ». Les deux plaignantes font appel, mais ne réussissent pas à obtenir gain de cause.

Saisie en novembre 2023, la CEDH émet dans son arrêt un jugement sévère sur l’enquête, affirmant que « les manquements en matière de conservation des preuves étaient plus que des « erreurs isolées » ou des omissions d’enquête mineures ». Elle critique aussi le « laps de temps considérable » requis pour ouvrir des enquêtes « sur d’éventuelles fautes commises par la police » et dénonce le fait que ces enquêtes aient été confiées « aux mêmes organes judiciaires et policiers que ceux qui avaient supervisé l’enquête initiale », soulignant « les liens familiaux étroits entre l’un des enquêteurs et l’un des suspects ».

La CEDH condamne ainsi l’Espagne à verser 20 000 euros à chaque plaignante pour « dommage moral » et 5 000 euros ensemble pour frais et dépens.