« Les géographes ne craignent-ils pas Donald Trump, maître en dystopie ? »
Les géographes ont abordé Donald Trump lors du Festival international de géographie à Saint-Dié-des-Vosges, se tenant de vendredi à dimanche. Frédéric Giraut, spécialiste de la toponymie, a noté que Trump avait renommé des points géographiques, comme le Denali redevenu « mont McKinley », soulignant une dimension suprémaciste à ses décisions.
« Fascinant » et « effrayant ». Lors du Festival international de géographie (FIG) à Saint-Dié-des-Vosges, qui s’est tenu de vendredi à dimanche, les géographes ont fréquemment mentionné Donald Trump au cours des conférences. Il faut dire que le thème de cette édition, « le pouvoir », s’y prêtait particulièrement.
Lieu nommé, territoire disputé… Le président américain a régulièrement modifié les objets d’étude de ces spécialistes ces dernières semaines. « Il me donne du grain à moudre ! », plaisante Camille Escudé, chercheuse à Sciences Po et experte de l’Arctique, en faisant référence aux tentatives du milliardaire pour acquérir le Canada et le Groenland. « Pour moi, c’est un objet politique avec des conséquences géographiques, que j’essaie d’étudier comme tel, et qui traduit des notions de pouvoir, de puissance, de territoires », affirme-t-elle.
Cependant, d’autres expriment des inquiétudes. « C’est un maître en dystopie. Il fait advenir tout ce qu’on pensait inimaginable », affirme Anne-Laure Amilhat Szary, géographe à l’université Grenoble-Alpes. « Il a le culot, la force, de faire exploser le monde du droit et de révéler que l’état de fait seul est devenu notre réalité », résume-t-elle.
« Il ne l’a pas fait tout seul : Poutine le fait avec les armes, les Chinois le font avec leurs investissements, mais là où Trump est complètement décomplexé, c’est qu’il le dit. C’est ça qui est assez fascinant », conclut cette spécialiste des frontières. « La frontière, elle est partout, elle est là où la force veut qu’elle advienne », explique-t-elle. « Et là, ça éclate au grand jour », en référence aux interventions de l’ICE, l’agence de l’immigration chargée par Donald Trump de mettre en œuvre son programme d’expulsions massives.
Spécialiste de la toponymie, c’est-à-dire des noms attribués aux lieux, Frédéric Giraut, de l’université de Genève, admet également avoir été très sollicité lorsque Donald Trump, tout juste revenu au pouvoir, a rebaptisé des points sur les cartes géographiques. Le Denali, point culminant des États-Unis qui, depuis 2015, portait un nom d’origine autochtone d’Alaska, a ainsi été rétabli sous le nom de « mont McKinley », celui d’un président du XIXe siècle apprécié par Trump.
Le résident de la Maison-Blanche a aussi ordonné que le Golfe du Mexique, un nom tiré d’une langue pré-hispanique, soit renommé Golfe d’Amérique, imposant des représailles aux récalcitrants, tels que l’agence de presse AP. En projetant de transformer la bande de Gaza dévastée par la guerre en « Riviera du Moyen-Orient », Trump souhaite également remplacer un nom plurimillénaire d’origine cananéenne par un nom d’origine européenne, illustre-t-il.
« C’est effrayant, car il y a cette dimension suprémaciste, qui va à l’encontre des engagements internationaux, notamment ceux des objectifs de développement durable, qui promeuvent l’inclusion des langues minoritaires, des savoirs autochtones, des périphéries pauvres des villes », commente Frédéric Giraut. Et d’ajouter : « D’ailleurs, il n’y a même pas d’arguments historiques : c’est la loi du plus fort. »
Cependant, l’expert veut croire que des résistances subsistent. Contrairement aux géants Google Maps ou Apple Plans, qui ont cédé aux demandes de Trump, « il existe des plateformes collaboratives qui servent de résistance, et qui sont attaquées en tant que telles : Wikipédia, bien sûr, et sur le plan cartographique, Openstreetmap ».

