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Les Émirats œuvrent au retour en grâce de la Syrie auprès de ses « frères » arabes

“La Syrie n’a pas été avec ses frères depuis trop longtemps et le temps est venu pour elle de revenir auprès d’eux et dans son environnement arabe”, a déclaré le puissant dirigeant des Émirats devant son hôte. L’objectif avoué de la visite était d’“explorer les voies d’amélioration de la coopération dans le but d’accélérer la stabilité et les progrès en Syrie et dans la région”, comme l’a twitté le MBZ.

Ce retour de Damas dans le giron arabe et la tentative subséquente d’apaiser les tourments régionaux se précise. Un mois après la “visite de travail” de Bachar al Assad auprès du sultan Haïtham ben Tariq al Saïd d’Oman, sa rencontre avec Mohammed ben Zayed constitue une nouvelle étape préfigurant une sortie de l’isolement diplomatique de Damas, douze ans après le début de la contestation qui avait mené à la guerre en Syrie.

Lent retour en grâce

La Syrie est toujours largement isolée sur la scène internationale, y compris au sein de la communauté musulmane. La Ligue arabe, qui rassemble vingt-deux pays de l’espace arabophone, l’a suspendue à la mi-novembre 2011 en raison de la répression sanglante menée par les autorités syriennes à l’égard du mouvement de contestation qui s’était levé huit mois auparavant.

Ces dernières années, plusieurs États arabes qui avaient rompu leurs relations avec Damas s’en sont rapprochés ou ont normalisé celles-ci, comme ce fut le cas dès novembre 2018 pour les Émirats arabes unis et le Royaume de Bahreïn. D’autres avaient aussi contesté sa suspension, à l’image de l’Algérie, de la Tunisie, de l’Égypte et du Liban.

Ce lent retour en grâce de la Syrie s’est quelque peu accéléré ces dernières semaines à la faveur de l’élan de solidarité induit par le double séisme du 6 février, qui a fait plus de 54 000 morts dans le sud de la Turquie et dans le nord de la Syrie. Cet événement dramatique a favorisé une reprise de contact avec Damas de la part de plusieurs pays arabes proposant d’envoyer une aide humanitaire, dont l’Algérie, le Liban, l’Irak ou Oman. Même l’Arabie saoudite, pointée du doigt pour l’implication de certaines personnalités dans le financement de groupes armés contre le régime syrien, a proposé et obtenu de faire atterrir des avions d’aide humanitaire à Damas.

Aux Émirats ce dimanche, Bachar al Assad a distillé quelques mots bien choisis à l’attention de l’Arabie saoudite, sachant l’influence saoudienne dans l’espace arabe et le caractère décisif qu’une normalisation avec Riyad pourrait avoir dans son retour en légitimité auprès de ses “frères arabes”. Il se chuchote déjà que Riyad envisage de rouvrir, dans les prochaines semaines, ses représentations diplomatiques, dont une ambassade dans la capitale syrienne. Quant à la réintégration formelle de la Syrie dans l’enceinte de la Ligue arabe, elle pourrait avoir lieu lors du prochain sommet de l’institution, à la fin de cette année.

Il faut mettre fin à la tragédie syrienne

Entretien Assad-Sissi

L’Égypte, autre poids lourd arabe de la région, entretient depuis des années le dialogue avec la Syrie, même si les relations n’ont jamais été totalement rompues entre Le Caire et Damas. Au lendemain du tremblement de terre du mois dernier, le président Abdel Fattah al Sissi avait appelé Bachar al Assad, pour une conversation inédite entre les deux chefs d’État. Les chefs de la diplomatie syrienne et égyptienne s’étaient aussi parlé par téléphone à cette occasion. Et en 2016, le plus haut responsable des services de sécurité syriens, le général Ali Mamlouk, avait effectué au Caire sa première visite – rendue publique – à l’étranger depuis le début de la guerre en Syrie en 2011.

L’intérêt grandissant que les États arabes marquent pour un retour en légitimité du gouvernement syrien s’envisage aussi à la lumière des changements politiques en cours au Moyen-Orient. La reprise primordiale des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie saoudite, annoncée le 10 mars, devrait sans aucun doute donner un coup d’accélérateur à ce mouvement. Les États arabes sunnites savent que plus leur influence se fera sentir à Damas, plus ils pourront limiter, ou équilibrer, l’influence de l’Iran chiite, historiquement forte en Syrie. L’argument avait d’ailleurs été avancé lors par Abou Dabi lors de sa normalisation avec Damas en 2018, qui avait indiqué vouloir chercher à “activer” le “rôle arabe” en Syrie, “face à l’expansionnisme régional de l’Iran et de la Turquie”.

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