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Le trafic d’armes à blanc inquiète l’Europe en les rendant létales.

D’énormes opérations de police dans toute l’Europe sont menées pour saisir des armes factices converties en armes létales. Europol estime que les armes d’alerte et de signalisation (AAS) converties « pourraient encore représenter près de la moitié de toutes les armes illégales saisies ».


D’importantes opérations de police se déroulent à travers l’Europe pour confisquer des armes factices converties en armes létales. Certains propriétaires ont la possibilité de les rendre aux autorités sans crainte de poursuites judiciaires. Cependant, le trafic et l’utilisation de ces armes continuent d’envahir le continent.

Lors de l’opération Conversus fin 2021, plus de 1.500 pistolets à gaz et d’alarme ont été saisis par les forces de police européennes. Un nouvel interventio a eu lieu en avril dernier, permettant la confiscation de 500 de ces armes factices, qui sont facilement disponibles à la vente et, une fois modifiées, deviennent mortelles.

Europol qualifie leur trafic de « menace sérieuse ». De l’ex-conjoint au braqueur de magasin, en passant par le narcotrafiquant, ces armes se répandent aussi bien dans des actes de petite délinquance que dans des crimes organisés en France et ailleurs en Europe, facilitées par un flou juridique. Parmi les armes les plus souvent convertibles, les pistolets de signalisation, utilisés par les plaisanciers, et les pistolets d’alarme, souvent employés au cinéma pour imiter le bruit d’un tir, sont les plus recherchés. Disponibles pour moins de cent euros, ces armes sont devenues « extrêmement populaires parmi les criminels », avertit régulièrement Europol. Leur conversion en armes à feu est « très facile », et avec l’évolution de l’intelligence artificielle, cela pourrait devenir encore plus simple, prédit l’agence européenne. En principe, ces répliques réalistes ne peuvent tirer que des munitions à blanc ou des munitions irritantes comme le gaz au poivre.

Europol estime que les armes d’alerte et de signalisation (AAS) converties pourraient représenter « près de la moitié de toutes les armes illégales saisies ». En 2019, elles étaient parmi les trois types d’armes à feu les plus confiscées au Danemark, tandis qu’en Suède, elles représentaient 30 % des saisies et 10 % des tirs signalés, et environ 40 % aux Pays-Bas. La conversion des AAS demeure « une menace sérieuse », et « les criminels exploitent certaines divergences juridiques » entre les pays, ce qui favorise leur détournement vers des marchés illicites, explique Europol.

Le trafic a débuté dans les années 1990, mais il a suscité une attention accrue après l’attaque de l’Hyper Cacher à Paris en janvier 2015, lorsque Amedy Coulibaly était en possession d’armes acoustiques réactivées. Bien que l’incursion d’armes de ce type sur le marché illicite ait diminué, « le problème persiste pour les pistolets d’alarme », explique à l’AFP Nicolas Florquin du centre de réflexion suisse Small Arms Survey. En 2016, l’opération Bosphore, coordonnée par la Roumanie, ciblait déjà les pistolets d’alarme et à gaz de fabrication turque entrant via la Bulgarie, pour être ensuite distribués dans toute l’Europe, y compris par voie postale. Au cours de cette décennie, des modèles turcs facilement modifiables ont envahi le marché. Ils sont fabriqués en matériaux capables de supporter la pression d’une munition réelle, et leur obturateur, conçu pour bloquer le passage du projectile, peut être retiré assez facilement.

En 2019, la Turquie a renforcé ses normes de production pour limiter les modifications, tandis que l’UE a adopté de nouvelles réglementations pour les AAS à appliquer dès février 2029. Cependant, « il reste un problème de délais entre la réglementation et sa mise en œuvre au niveau national », souligne Nicolas Florquin. Certains États, dont la France en 2024 ainsi que les Pays-Bas, le Portugal et la Suède, ont déjà classé les AAS comme des armes à feu soumises à autorisation ou déclaration. En France, les ventes de pistolets d’alarme ont « complètement arrêté », assure à l’AFP Yves Gollety, président de la chambre syndicale des armuriers.

Concernant les réseaux de distribution, « les filières d’écoulement ne se font pas à échelle industrielle », remarque Nicolas Florquin. Des analyses effectuées par des laboratoires, comme ceux du service national de police scientifique (SNPS) en France, permettent de retracer ces activités. La filière turque « est identifiée », confirme Julien Ducouret, chef de la section balistique du laboratoire de Lille, précisant que « des enquêtes sont en cours sur ces réseaux » et « les armes ne sont pas nécessairement modifiées sur place ». En décembre dernier, par exemple, la direction de la lutte contre la criminalité organisée en Bulgarie a annoncé deux interpellations dans un atelier. Sur place, « la plupart des armes », dont 244 pistolets, avaient été transformées d’armes à gaz en armes à feu. Les douanes bulgares indiquent que la majorité des saisies en 2024 ont eu lieu à la frontière turque.

Un des problèmes majeurs des armes fabriquées illégalement en Turquie est leur qualité médiocre, selon un rapport des douanes bulgares, ajouté à cela que « la Turquie produit également des répliques de marques sans licence ni certificat de conformité. On estime qu’environ 30 % de cette production est écoulée sur le marché européen », notamment en Grande-Bretagne. Là-bas, les pistolets d’alarme permettent de contourner des lois particulièrement strictes, tout en offrant aux jeunes criminels les moyens de se faire un nom dans un marché de la drogue très compétitif où posséder une arme est essentiel. Certains pistolets à blanc turcs sont vendus avec « au moins 50 % de leur surface peinte en couleurs vives, mais les criminels les repeignent en noir pour les faire ressembler à des armes létales », détaillait début septembre l’Agence britannique de lutte contre le crime (NCA).

Une amnistie sera mise en place en février 2026 en Angleterre et au Pays de Galles pour cinq modèles, notamment des Bruni italiens, dont des tests ont prouvé qu’ils pouvaient être transformés avec des outils courants de bricolage. Quatre modèles de pistolets d’alarme turcs ont déjà été intégrés dans une amnistie cette année. En l’espace de quatre semaines, 3.000 d’entre eux ont été remis aux autorités.