Le Maroc se lance dans la production des drones turcs
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Dans une nouvelle avancée vers le développement de son industrie de défense, le Maroc accueille l’implantation d’ Atlas Defence , filiale de la société turque Baykar , spécialisée dans la conception et la fabrication de drones. Cette initiative marque une étape stratégique pour le Royaume dans le renforcement de ses capacités technologiques en matière d’aéronautique militaire
Atlas Defense pourrait devenir la première entreprise des frères Bayraktar à produire des drones en Afrique, alors que le carnet de commandes des dirigeants du géant turc s’étoffe sur le continent.
C’est par une annonce légale noyée dans les 500 pages du Bulletin officiel marocain que la presse du royaume a appris, le 29 janvier, l’existence de l’entreprise Atlas Defense, fraîchement immatriculée au tribunal de commerce de Rabat. Révélée le lendemain par le média en ligne Le Desk, la nouvelle a suscité une salve d’articles, tout l’intérêt médiatique pour cette société reposant sur l’identité de ses propriétaires : Haluk et Selçuk Bayraktar.
Les deux frères sont à la tête de Baykar, fleuron de l’industrie militaire turque et exportateur de drones armés – près de 2 milliards d’euros de vente en 2023. Haluk, 46 ans, en est le président. Selçuk, son cadet d’un an, le directeur technique, surtout connu pour être le gendre du président turc Recep Tayyip Erdogan.
Au Maroc, les frères Bayraktar ne sont pas en terre inconnue. Depuis 2021, l’armée marocaine a acheté à Baykar une vingtaine de drones armés Bayraktar TB2. Ces engins de surveillance et d’attaque ont fait leurs preuves lors des conflits en Libye et en Syrie, et dans les guerres de haute intensité au Haut-Karabakh et en Ukraine.
Les militaires marocains les emploient au Sahara occidental contre les indépendantistes du Front Polisario. Les forces armées royales ont également réceptionné des modèles Akinci, volant à plus haute altitude et transportant une plus grande charge de munitions.
« Rapport qualité-prix imbattable »
Que fera Atlas Defense au Maroc ? Ses dirigeants sont muets, mais les activités déclarées par l’entreprise recouvrent « la conception, la fabrication, le développement et la maintenance de drones ». Pour l’analyste en défense et ex-officier militaire Nizar Derdabi, enseignant à l’Ecole de guerre économique de Rabat, il ne fait aucun doute que les frères Bayraktar envisagent de construire au Maroc « une unité de production pour leurs clients africains, alors que le carnet de commandes de Baykar s’étoffe en Afrique du Nord et de l’Ouest, où le rapport qualité-prix imbattable du Bayraktar TB2 en fait un drone très demandé ».
En 2021, l’armée marocaine avait dépensé 70 millions de dollars pour en obtenir treize exemplaires, ainsi que des stations de contrôle et des systèmes de simulation. La Libye, le Niger, le Nigeria, le Tchad, le Togo et la Tunisie ont également acheté ces drones.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, premier ministre à partir de 2003, puis président depuis 2014, la Turquie mène en Afrique une stratégie d’influence combinant moyens diplomatiques, économiques et militaires.
Le nombre de ses ambassades africaines est passé de douze, en 2008, à quarante-quatre, en 2023, tandis que son commerce avec les pays africains a été multiplié par six, atteignant 32 milliards de dollars (31 milliards d’euros) la même année.
Sur le continent, la Turquie a également su s’imposer comme un médiateur régional. Dans la Corne de l’Afrique, le président turc s’est ainsi personnellement impliqué pour mettre fin aux tensions entre la Somalie et l’Ethiopie.
La présence militaire turque s’est également accrue. Incontournables en Libye, où ils sont solidement implantés en Tripolitaine, les soldats turcs ont depuis peu pris possession de la base tchadienne d’Abéché, rétrocédée par l’armée française en janvier.
Phénomène de « dronisation »
L’expression des ambitions africaines d’Ankara s’est traduite dans le même temps par la multiplication, depuis 2020, des drones turcs sur le continent. En Afrique, les Bayraktar TB2 culminent en tête des ventes aux côtés des WanderB israéliens et des Wing Loong chinois, trois appareils présents dans l’arsenal militaire marocain.
Selon le site spécialisé Military Africa, plus de la moitié des drones utilisés sur le continent se trouvent en Afrique du Nord : environ 230 au Maroc, seconde armée la mieux pourvue du continent, et près de 120 en Algérie, à la cinquième place – aux drones de Baykar, l’armée algérienne a cependant préféré les modèles Aksungur et Anka-S de Turkish Aerospace Industries.
Avec le conflit du Sahara occidental en toile de fond, la rivalité militaire entre Rabat et Alger explique en partie ce phénomène récent de « dronisation », couplé à l’augmentation continue des budgets de défense des deux armées. En 2025, l’Algérie a porté le sien à près de 24 milliards d’euros, quand celui du Maroc culmine à 13 milliards d’euros.
« Sur le plan militaire, le Maroc sait qu’il ne peut rivaliser en termes de dépenses ou d’effectifs. Il cherche donc à combler cette disparité en se dotant d’un arsenal de drones et de défenses aériennes, capable non seulement de se protéger contre toute attaque du Front Polisario, mais aussi de faire face aux capacités algériennes », analysait Intissar Fakir, du centre de réflexion Middle East Institute, en octobre 2023.
Rien de surprenant, donc, à ce que l’accélération des achats de drones de part et d’autre débouche sur leur production à un niveau local. Les perspectives en la matière, si elles se voient confirmées, a priori par la constitution au Maroc d’une entreprise des frères Bayraktar, avaient déjà été ouvertes par les rumeurs faisant état, en 2023 et 2024, des projets d’installation des sociétés israéliennes BlueBird Aero Systems et Elbit Systems.
Sans qu’aucune annonce publique ne les confirme. « Les contrats ont été signés », assure toutefois Nizar Derdabi, mais la situation au Proche-Orient freinerait toute concrétisation officielle pour le moment.
Source : agences