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Le gouvernement Modi accentue la pression sur l’opposition

Rien ne dit que la sentence sera confirmée par la Haute Cour du Gujarat, État où le jugement a été rendu. Mais le verdict ne s’arrête pas là. Il a pour effet d’exclure du Parlement l’une des principales figures de l’opposition. L’héritier de la famille Nehru Gandhi, dont l’arrière-grand-père, la grand-mère et le père ont été Premier ministre, est en effet député à la chambre basse. Et la loi impose aux parlementaires de quitter leur poste s’ils sont condamnés à deux ans de prison ou plus.

Le juge de Surat a frappé Rahul Gandhi de la peine maximale prévue par la législation, en l’occurrence deux années de détention, mais la Haute Cour peut annuler son exclusion en appel.

Un jugement qui tombe à pic avant la campagne pour les législatives

L’affaire commence en 2019. La campagne pour les législatives bat son plein et lors d’un meeting dans l’État du Karnataka, au sud du pays, Rahul Gandhi attaque l’image d’honnêteté et d’intégrité que s’est forgé le chef du gouvernement, Narendra Modi. À l’époque, deux personnalités impliquées dans des affaires de corruption, de fraude, et de blanchiment, entre autres, partagent le même patronyme que le chef du gouvernement. Mais elles n’ont aucun lien de parenté avec Narendra Modi. « Comment se fait-il que dans ce pays, tous les voleurs s’appellent Modi ? Nirav Modi, Lalit Modi, Narendra Modi« , a néanmoins lancé Rahul Gandhi.

Inde : l’opposant Rahul Gandhi condamné à de la prison pour diffamation envers Modi

Purnesh Modi, un député du parti du Premier ministre, le BJP, a alors porté plainte. Il reproche à Gandhi d’avoir diffamé le nom de Modi, qui est assez répandu dans l’État du Gujarat. La sentence intervient alors que le parti du Congrès, dont Gandhi est l’un des fers de lance, prépare sa campagne pour les législatives de l’an prochain. S’il est trop tôt pour mesurer l’impact de cette condamnation sur l’élection, le verdict confirme une tendance observée depuis l’arrivée au pouvoir de Modi en 2014 : les politiciens d’opposition font l’objet de pressions plus fortes qu’avant.

L’opposition visiblement ciblée

En près de neuf années de pouvoir, le gouvernement Modi a laissé deux agences fédérales, le CBI, chargé de la sécurité intérieure, et l’ED, l’organisme de lutte contre la délinquance financière, enchaîner les interpellations et les perquisitions. Une enquête du quotidien Indian Express publiée en septembre 2022 indiquait que sur 124 personnalités politiques poursuivies par le CBI, seulement six appartenaient au BJP.

L’ED a, quant à lui, multiplié par quatre ses enquêtes contre la classe politique depuis 2014 avec 121 affaires. Il cible des figures de l’opposition dans 95 % des cas. L’an dernier, Manish Sisodia, ministre en chef adjoint de New Delhi et figure de l’Aam Aadmi Party, avait ainsi accusé le BJP d’instrumentaliser l’appareil d’État. « Le BJP m’a contacté pour me demander de quitter l’Aam Aadmi Party pour le rejoindre. En échange, toutes les poursuites lancées contre moi par le CBI et l’ED seraient closes », avait-il déclaré.

Les agences fédérales ont toujours nié être instrumentalisées par le parti de la droite hindoue. Il n’en reste pas moins que le pouvoir central tolère de moins en moins toute critique envers le Premier ministre.

Cette semaine, la police de Delhi a enlevé près de 2 000 affiches dans la capitale qui appelait à la démission du leader fondamentaliste hindou en ces termes : « Modi hatao, desh batao » (débarrassons-nous de Modi, sauvons le pays). Six personnes impliquées dans le collage de ces affiches ont été jetées derrière les barreaux.