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Le « Club des patriotes en colère » veut aider la Russie à gagner la guerre en Ukraine : quelle est son influence ?

L’ultranationaliste a créé, le 1er avril, le “Club des patriotes en colère” avec sept personnalités, dont l’écrivain et activiste Maxime Kalachnikov, qui plaide pour un empire russe englobant plusieurs de ses voisins, et Pavel Goubarev, gros bras de la région de Donetsk qui avait déclaré, en octobre dernier, que les troupes russes étaient venues “pour convaincre, pas pour tuer” et ajouté à l’adresse des Ukrainiens : “si vous ne voulez pas être convaincus, […] nous pouvons tous vous exterminer”. L’initiative, dont le but affiché est d’aider la Russie à gagner la guerre et éviter un conflit interne, “vise probablement à protéger l’influence de la faction russe favorable à la guerre au sein du Kremlin”, décrypte l’Institut pour l’étude de la guerre. Le Club soupçonne “la plupart des fonctionnaires du Kremlin” d’appartenir à une faction anti-guerre, qui “prônerait un accord de paix avec l’Occident”.

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Igor Guirkine est complètement supplanté par Evguéni Prigojine.

Cependant, aux yeux du politologue russe Andreï Kolesnikov, chercheur à la Fondation Carnegie pour la paix internationale, “il n’y a jamais eu de faction anti-guerre au Kremlin. Ce que ces gens pensent d’eux-mêmes n’a pas d’importance” étant donné qu’“aujourd’hui, ils ne font que servir”. Il ne croit pas davantage en l’influence d’Igor Guirkine, “peut-être présent dans le créneau d’information des patriotes, mais plus du tout sur une scène médiatique plus large. Il est complètement supplanté par Prigojine, le patron du groupe paramilitaire Wagner.

Aussi, Guirkine, pour qui la victoire de la Russie est synonyme de liquidation de l’État ukrainien, a-t-il affirmé vendredi dernier que ses coreligionnaires et lui voulaient entrer en politique pour sauver la Russie, selon lui menacée d’effondrement à force d’encaisser les échecs militaires sur le terrain ukrainien. Dimanche, le Club des patriotes en colère a dès lors annoncé sur Telegram la création d’antennes régionales et appelé des politiciens expérimentés, des leaders d’opinion et des responsables d’organisations à y participer.

L’opération militaire spéciale, « un échec total »

Colonel à la retraite, “Strelkov” s’est montré très critique sur les réseaux sociaux envers la conduite de l’“opération militaire spéciale” de Vladimir Poutine, qu’il considère comme “un échec total”. “Une crise systémique se prépare” dans le pays, a-t-il déclaré à l’agence Reuters, “nous sommes à l’aube de changements politiques internes très graves et de nature catastrophique”. “Notre tâche est soit d’aider notre pays à éviter les troubles qui approchent, soit de créer les conditions qui permettront d’agir dans cette tourmente pour empêcher la destruction de la Russie en tant qu’État et civilisation unique.”

Un conflit interne, un coup d’État pro-occidental ou une guerre civile en Russie ? Le politologue moscovite Andreï Kolesnikov n’y croit pas un instant. “Tous ces scénarios sont absolument irréalistes”, tranche-t-il. “L’unité et en même temps l’indifférence du peuple, la passivité de l’élite et son empressement à servir, des répressions extrêmement sévères : tout cela exclut les conspirations, les guerres civiles – et d’ailleurs entre qui ?”

La perspective d’un coup d’État est-elle plausible en Russie ?

Dans le contexte actuel, les voix critiques tolérées par le Kremlin viennent des milieux ultranationalistes et patriotes – politiciens, blogueurs et autres experts militaires qui rivalisent de propos outranciers à l’égard de l’Occident, s’en prennent à la manière de conduire les opérations en Ukraine et tirent à boulet rouge, comme Igor Guirkine, sur les haut gradés russes qu’ils estiment incompétents, si pas corrompus.

Jusqu’ici, le Kremlin laisse faire. “Il utilise les patriotes pour donner une impression d’unité. Et il est très prudent à l’égard des personnes trop actives”, pense Andreï Kolesnikov. Le plus vocal reste incontestablement Evguéni Prigojine, en première ligne dans la bataille de Bakhmout, pourfendeur de l’État-major militaire et du ministère de la Défense russe. Il a d’ailleurs également annoncé, le mois dernier, la création d’un mouvement social affilié à Wagner. Mais si les spéculations vont bon train sur ses ambitions politiques, “dès qu’il commencera vraiment à en faire, il sera arrêté”, pronostique le politologue. “Poutine a besoin de lui exclusivement comme fournisseur de main-d’œuvre, sinon il est trop dangereux.”