Le Canada a-t-il renoncé à ses ambitions climatiques pour l’économie ?
Le Premier ministre Mark Carney a engagé le Canada dans une nouvelle trajectoire énergétique centrée sur le pétrole, en abolissant la taxe carbone pour les particuliers. L’annonce d’un accord fédéral avec la province de l’Alberta prévoit un nouvel oléoduc, marquant l’abandon du plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier.
Confronté aux droits de douane imposés par Donald Trump et à une économie en déclin, le Premier ministre Mark Carney engage le Canada dans une nouvelle direction énergétique axée sur le pétrole, marquant un tournant par rapport à l’ère Trudeau et provoquant un choc sur les plans politique, environnemental et autochtone. Dès son arrivée au pouvoir en mars, il avait donné le ton en annulant la taxe carbone pour les particuliers, une mesure emblématique de son prédécesseur.
Ce changement de cap a été confirmé cette semaine avec l’annonce d’un accord fédéral avec la province de l’Alberta pour la construction d’un nouvel oléoduc. Cette entente entraîne également l’abandon du plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier, une initiative préalablement défendue par Steven Guilbeault, qui a démissionné jeudi en qualifiant cette décision de « très grave erreur » et en exprimant son « profond désaccord » avec la stratégie actuelle. L’ancien militant écologiste souligne dans sa lettre que « les enjeux environnementaux doivent demeurer à l’avant-scène ».
En Alberta, province clé de l’industrie pétrolière, la réaction est totalement différente. La Première ministre Danielle Smith a fait l’éloge du « virage à 180 degrés » du gouvernement fédéral. Tim McMillan, ancien président du principal lobby pétrolier, considère que « le Canada doit miser sur ses forces » après « 10 ans de projets annulés et de baisse du PIB et du niveau de vie », situation aggravée selon lui par les tarifs américains.
Sur la scène internationale, le repositionnement du Canada soulève des questions, notamment parce que le pays figure parmi les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre par habitant. Entre 2005 et 2023, ses émissions n’ont diminué que de 8,5 %, bien en deçà des objectifs de réduction de 40 à 45 % fixés pour 2030. L’Institut climatique du Canada avait déjà alerté cet automne que les nouvelles politiques pourraient entraîner une augmentation des émissions.
Pour répondre aux critiques, Mark Carney a annoncé le lancement du « plus grand projet de captage de carbone au monde », une technologie dont l’efficacité fait encore débat. Certains observateurs notent également un changement d’attitude : « Il y a cinq ou six ans, Mark Carney défendait l’environnement de façon plus ardente », analyse Duane Bratt, politologue à l’Université Mount Royal.
Les organisations écologistes dénoncent une régression. « On assiste à une érosion des politiques climatiques et c’est malheureux », déplore Conor Curtis du Sierra Club Canada, qui estime qu’un nouvel oléoduc « n’est pas nécessaire » dans un contexte mondial de transition vers les énergies renouvelables. Réseau action climat Canada considère « déchirant » de voir les avancées des dix dernières années « réduites à néant ». La contestation s’exprimant sur le terrain, notamment au sein des communautés autochtones, ajoute une résistance locale à un débat national désormais marqué par des tensions entre relance économique et engagement climatique.

