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L’ancien président taïwanais Ma Ying-jeou sur la terre de ses ancêtres : les enjeux d’une visite historique en Chine

Taïwan-Chine, à l’aube d’un conflit majeur: pourquoi Xi Jinping pourrait passer à l’acte avant 2030

Né à Hong Kong en 1950, quelques mois seulement après l’instauration du régime communiste à Pékin, emmené ensuite par sa famille à Taïwan, Ma Ying-jeou n’était jamais retourné en Chine. Son périple de douze jours l’emmènera à Shanghai, Nankin, Wuhan et Chongqing, mais aussi à Changsha, dans la province du Hunan d’où étaient originaires ses parents. Un des buts du voyage est précisément pour Ma de se recueillir sur les tombes de ses ancêtres, à l’occasion de la fête de Qingming, le 5 avril, lors de laquelle on honore les défunts.

Le rendez-vous historique de Singapour

Mais l’ancien Président, qu’accompagne une délégation de professeurs d’université et d’étudiants, a aussi pour objectif déclaré de favoriser la détente entre les deux gouvernements rivaux à travers des échanges académiques. Pékin ne figure pas dans son itinéraire, et des contacts politiques au plus haut niveau n’ont pas été annoncés, mais l’entourage de l’illustre visiteur a indiqué qu’il était “à la disposition de ses hôtes”. En sachant que Ma Ying-jeou avait déjà été le premier président taïwanais, et à ce jour le seul, à rencontrer son homologue chinois ; le tête-à-tête avec Xi Jinping avait été organisé en terrain neutre, à Singapour. le 7 novembre 2015.

Chine-Taïwan : comment en est-on arrivé là ?

La direction chinoise a déjà recouru à la diplomatie parallèle pour tenter de court-circuiter la présidence taïwanaise quand elle était, comme aujourd’hui, aux mains du parti “séparatiste”, le DPP. En avril 2005, Pékin avait ainsi invité Lien Chan, le chef du parti nationaliste rival, le Kuomintang (KMT), pour un voyage historique – il avait été reçu avec faste par le président Hu Jintao. La Chine a continué de privilégier ses relations avec ce parti qui, à tort ou à raison, lui semble plus favorable à la “réunification nationale”, le régime communiste considérant Taïwan comme une province chinoise dont l’indépendance de fait depuis 1949 ne saurait être que temporaire. Le mois dernier, c’est le vice-président du KMT, Andrew Hsia, qui avait encore été accueilli à Pékin.

Des liens devenus trop étroits

Sous la présidence de Ma Ying-jeou (2008-2016), marquée notamment par le rétablissement des liaisons aériennes et maritimes directes entre Taïwan et la Chine qui avaient été interrompues en 1949, jamais les rapports n’avaient été aussi bons entre Taipei et Pékin. Tellement bons qu’une majorité de Taïwanais s’est alarmée à l’idée que l’île puisse devenir dangereusement dépendante de l’économie chinoise. Une présidente plus “indépendantiste”, Tsai Ing-wen, a donc été choisie pour succéder à Ma et, avec son élection, les relations sino-taïwanaises ont plongé vers un nouveau nadir.

Taïwan avertit la Chine: pas de « compromis » sur ses libertés

Une des représailles exercées par la direction communiste consiste à isoler Taïwan sur la scène internationale. La Chine interdit de reconnaître à la fois Pékin et Taipei, et son pouvoir d’attraction économique l’emporte désormais sur les considérations idéologiques. L’île a perdu depuis 2016 une dizaine de ses derniers alliés et, depuis la défection, dimanche, du Honduras, il n’y a plus désormais que treize pays qui entretiennent avec elle des relations diplomatiques. Aussi le voyage que Tsai Ing-wen avait prévu de faire en Amérique centrale se limitera-t-il au Guatemala et à Belize.

Une possible rencontre avec McCarthy

L’important est, toutefois, ailleurs pour la présidente taïwanaise : aux États-Unis. Sous prétexte d’escales techniques, Mme Tsai s’arrêtera à New York à l’aller et à Los Angeles au retour. Cela pourrait lui ménager la possibilité d’une entrevue avec le nouveau speaker de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy – dans la foulée de la visite que Nancy Pelosi, à qui il a succédé, avait effectuée à Taipei en août 2022. Le député républicain de la Californie, qui n’a pas exclu de faire lui aussi le voyage, a dit souhaiter une telle rencontre, au risque d’envenimer un peu plus les relations sino-américaines, Pékin condamnant les échanges politiques de haut niveau avec Taïwan.