L’Allemagne ne traverse pas une crise économique majeure, l’avenir s’annonce meilleur.
Le nombre de chômeurs en Allemagne a franchi la barre de trois millions, atteignant 6,4 %, « ce qui représente le plus haut niveau depuis 2015 ». L’État fédéral allemand a prévu de soutenir son économie avec un fonds de 500 milliards d’euros pour moderniser son infrastructure.
Alors que « la France est devenue l’homme malade de l’Union européenne », selon Daniel Baal, président de la Fédération bancaire, la situation économique de l’Allemagne, leader économique de l’UE, n’est pas éclatante.
L’économie allemande traverse « une période de stagnation prolongée, avec des phases de récession anticipées en 2023 et 2024, ainsi que des prévisions de croissance très faibles », indique Eileen Keller, chargée de projet au Deutsch-Französisches Institut (DFI).
Franchise de trois millions de chômeurs dépassée
Le taux de chômage a franchi le seuil des trois millions, atteignant 6,4 %, « le niveau le plus élevé depuis 2015 », souligne la chercheuse. « C’est un moment difficile pour l’économie allemande, qui n’a pas affronté de telles difficultés depuis trente ans », ajoute Andreas Eisl, chercheur senior en politique économique européenne à l’Institut Jacques Delors.
La compagnie Lufthansa, premier groupe aérien en Europe, a annoncé lundi la suppression de 4 000 postes d’ici 2030, soit près de 4 % de ses effectifs globaux, tandis que Bosch mettra fin à 13 000 postes, soit un dixième de ses effectifs en Allemagne. Au début du mois de septembre, Ford a également annoncé jusqu’à 1 000 suppressions d’emplois dans son usine de Cologne, dédiée aux véhicules électriques.
Une crise multifactorielle, entre coûts énergétiques élevés et concurrence
« Les annonces de licenciements se multiplient, notamment dans des secteurs clés comme l’automobile, où les constructeurs allemands et leurs sous-traitants doivent faire face à une transition du véhicule thermique vers le véhicule électrique qui n’a pas été suffisamment anticipée », précise Marie Krpata, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Environ 800 000 emplois directs sont touchés par cette transition.
Au-delà du secteur automobile, la crise de l’économie allemande résulte de plusieurs facteurs. L’augmentation des coûts de l’énergie liée à la guerre en Ukraine pèse sur les industries consommatrices. Elles subissent également la concurrence accrue de la Chine, dont les compétences technologiques se sont développées, ainsi que les effets des droits de douane américains sur les exportations européennes, qui ont engendré « une sorte de guerre froide commerciale », selon Andreas Eisl. « Cela est d’autant plus problématique pour l’Allemagne, qui est fortement exposée au commerce international en raison de son modèle économique axé sur l’exportation », ajoute Marie Krpata de l’Ifri. Cela a conduit à une perte de compétitivité des produits « Made in Germany » à l’échelle internationale.
Déblocage du frein à l’endettement et un plan de 500 milliards d’euros
Cependant, malgré cette crise, l’Allemagne semble avoir un avenir plus rassurant. Sa situation financière est relativement stable, la dette publique se chiffrant à 64 %, contre 114 % en France. L’État fédéral, ayant réalisé d’importantes économies ces dernières années, pourra soutenir l’économie avec un fonds de 500 milliards d’euros pour moderniser l’infrastructure. De plus, il a amorcé un changement décisif en levant le dispositif de frein à l’endettement, permettant ainsi d’éviter que le déficit structurel ne dépasse 0,35 % du PIB, ce qui facilitera également la modernisation de l’outil militaire allemand.
« Ces investissements devraient favoriser la croissance économique. Toutefois, la question demeure : dans quelle direction doivent-ils s’orienter ? Quels secteurs doivent être protégés, où investir, et quels secteurs abandonner ? », s’interroge le chercheur Andreas Eisl.
Une perspective d’endettement européen inquiétante
D’après Eileen Keller, chargée de projet au DFI, l’Allemagne traverse « une période de transition où toutes les forces politico-économiques doivent faire preuve de lucidité pour procéder aux ajustements nécessaires dans un contexte géo-économique bouleversé ».
Bien que la France puisse bénéficier, par effet de ricochet, des investissements allemands, Marie Krpata met en garde : la crainte est que cela n’accentue les inégalités en Europe. Le gouvernement allemand s’étant engagé à assouplir le frein à l’endettement et à créer un fonds spécial pour les infrastructures, « la perspective d’un endettement commun à l’échelle européenne, pour investir dans des projets communs, comme le souhaite la France, s’avère plus compliquée ». Des tempêtes sembleraient donc se profiler à l’horizon.

