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Israël : Après le limogeage du chef du Shin Bet , une crise politique secoue le pays

La Cour suprême israélienne a suspendu, vendredi 21 mars, la décision inédite du gouvernement de limoger Ronen Bar, le chef du Shin Bet, le service de sécurité intérieure. Cette décision fait suite aux recours déposés quelques heures plus tôt par quatre partis d’opposition et une ONG. Benjamin Netanyahu s’est vu notifier qu’il lui était « interdit » de recruter un nouveau chef du Shin Bet, ce à quoi le Premier ministre a répondu que c’était à son gouvernement de décider.

La Cour suprême israélienne va examiner, d’ici au 8 avril, cinq recours déposés contre la décision du gouvernement de limoger le chef du Shin Bet. Quatre ont été déposés par des partis d’opposition, le dernier par une ONG, le Mouvement pour un gouvernement de qualité, qui a dénoncé dans ce limogeage une « décision illégale (…) posant un vrai risque pour la sécurité nationale ».

Dans la foulée, la procureure générale Gali Baharav-Miara, elle aussi sur la sellette pour ses critiques répétées envers Benyamin Netanyahu, a notifié ce dernier qu’il lui était « interdit » de recruter un nouveau chef du Shin Bet. Ce à quoi le Premier ministre israélien a immédiatement rétorqué sur X : « C’est le gouvernement qui décide qui sera le chef du Shin Bet. » Ce bras de fer est symptomatique de la grave crise institutionnelle qui se joue actuellement en Israël.

Dimanche 16 mars, Benyamin Netanyahu annonçait, dans la stupeur générale, une décision inédite en Israël : la révocation du puissant patron du Shin Bet, le service de sécurité intérieure – une décision qui sera validée ensuite dans la nuit du 20 au 21 mars par son gouvernement. Le Premier ministre avait alors évoqué une « perte de confiance professionnelle et personnelle persistante » dans son chef. Mais l’intéressé, Ronen Bar, avait immédiatement rétorqué que cette décision était motivée par « l’intérêt personnel » de Benyamin Netanyahu et « les enquêtes en cours » le concernant.

« Qatargate »

Le Shin Bet a rendu publique, le 4 mars, une enquête interne autour des failles sécuritaires qui ont conduit au fiasco du 7 octobre 2023. Le rapport a aussi mis en cause l’exécutif, jugeant que « la politique d’apaisement » menée ces dernières années face au Hamas avait permis au mouvement islamiste de « bâtir un impressionnant arsenal militaire ». Dans une lettre rendue publique jeudi 20 mars dans la soirée, Ronen Bar, fait référence à ce que les médias israéliens ont baptisé le « Qatargate », une affaire impliquant trois proches de Benyamin Netanyahu qui auraient reçu de l’argent du Qatar, pays connu pour soutenir le Hamas. Une enquête a été lancée par la procureure générale.

Le limogeage annoncé du chef du Shin Bet a provoqué une vague de contestation dans le pays. Des milliers de personnes ont encore manifesté jeudi soir devant le bureau du Premier ministre à Jérusalem et devant la Knesset, le Parlement israélien. Fait rare, le président Isaac Herzog s’est exprimé dans une vidéo, déplorant certaines « ​​​​​​​initiatives controversées » créant « ​​​​​​​de profonds clivages au sein de la nation ».

Reprise de la guerre pour des considérations politiques

Benyamin Netanyahu est de plus en plus critiqué pour sa gestion de la guerre à Gaza. Sa décision de rompre la trêve, mardi 18 marsn et de relancer les opérations militaires israéliennes dans le territoire palestinien, faisant au moins 470 morts, a poussé des dizaines de milliers d’Israéliens dans la rue. Ils accusent le Premier ministre de bombarder Gaza et de sacrifier les otages israéliens encore aux mains des groupes armés palestiniens, pour des considérations politiques.

Benyamin Netanyahu est soupçonné par ses détracteurs d’avoir repris les hostilités afin de regagner le soutien de l’extrême droite, hostile au cessez-le-feu, et de pouvoir faire passer son budget devant la Knesset, avant la fin du mois. Itamar Ben Gvir, ministre d’extrême droite, qui avait démissionné de son poste pour protester contre la trêve du 19 janvier, a d’ailleurs réintégré le gouvernement dès mardi.

Le Premier ministre est aussi empêtré dans des affaires judiciaires : il comparait depuis décembre dernier devant le Tribunal de Tel Aviv pour corruption, fraude et abus de confiance. Le procès a été interrompu plusieurs fois en raison de la guerre. Dans ce contexte tendu, et face aux décisions controversées du Premier ministre et de son gouvernement, le plus radical de l’histoire d’Israël, le chef du Shin Bet est vu comme un des derniers « garde-fous » de l’État de droit. Selon un sondage de la chaîne 12, 51% des personnes interrogées se disent opposés au limogeage Ronen Bar.