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Inondations meurtrières à Valence : Mazón ne démissionne pas un an après.

Le 29 octobre 2024, à Valence et sa région, un tsunami d’eau et des torrents de boue avaient causé la mort de 237 personnes. D’après un sondage publié lundi, 75 % des habitants de la région veulent le départ de Carlos Mazón, président de la communauté autonome de Valence depuis 2023.

Des images horrifiantes ont fait le tour du monde, illustrant une situation que « personne n’avait encore vue ». Le 29 octobre 2024, à Valence et dans sa région, en Espagne, un tsunami de pluie et des coulées de boue ont emporté tout sur leur passage, piégeant les habitants, déracinant et accumulant 130.000 véhicules, et générant 800.000 tonnes de déchets. Le bilan de cette catastrophe naturelle, l’une des plus graves de la décennie, est tragique : 237 personnes ont perdu la vie.

Suite à ce drame, de nombreuses controverses ont secoué les autorités locales, y compris le président de la communauté autonome de Valence depuis 2023, Carlos Mazón, membre du Parti populaire (droite). L’année passée, María Elisa Alonso, maître de conférences à l’université de Lorraine, s’interrogeait, dans les colonnes de 20 Minutes : « Est-ce qu’après tous ces dysfonctionnements, Carlos Mazón va démissionner ? ». Spoiler : « Non. Pas du tout, a-t-elle réagi aujourd’hui. Ça aurait été pourtant la décision la plus logique… »

Elle n’est pas la seule à le penser. Selon un sondage publié lundi, 75 % des habitants de la région désirent son départ. De plus, chaque mois, des milliers de manifestants exigent sa démission dans les rues de la troisième ville d’Espagne. Pourquoi n’est-il pas encore parti ? Quelle est l’avancée de l’enquête sur la gestion de crise ? Les réponses de María Elisa Alonso, qui est également politologue.

Où en est l’enquête sur la gestion de crise ?

Après les inondations meurtrières, une enquête a été lancée pour déterminer les failles de la gestion de crise. Les sinistrés accusent entre autres les autorités régionales de ne pas les avoir prévenus suffisamment à l’avance du danger, alors que les services météorologiques nationaux avaient émis dès le matin une alerte rouge (risque maximal) pour la région. Le SMS a été envoyé aux habitants à 20h11, soit plus de 12 heures après l’alerte rouge de l’agence météorologique.

« Dans la procédure, les conseillers du président de la communauté autonome ont été pointés du doigt, précise la politologue. L’ancienne conseillère de Carlos Mazón, responsable des urgences, a par ailleurs été mise en examen. Mais Carlos Mazón ne l’est pas. En tant que président régional, il bénéficie d’une immunité qui l’exempte de jugement. Nous sommes donc dans une impasse au niveau judiciaire. »

Mais où était Mazón le 29 octobre 2024 ?

Le président de la région – plus précisément, son emploi du temps – est pourtant au centre des polémiques. Le 29 octobre 2024, entre 14h45 et 19h45, ce dirigeant de 50 ans du Parti populaire semble avoir été très éloigné de la catastrophe, alors que Valence était en alerte rouge pour pluies depuis les premières heures de la journée. Son absence prolongée est-elle la cause de l’envoi bien trop tardif d’une alerte sur les téléphones portables des habitants ? « Si Mazón avait été là où il devait être, l’alerte serait arrivée à temps », a lancé mardi la députée régionale de gauche Agueda Micó.

Des milliers de personnes réclament chaque mois la démission de Carlos Mazón après les inondations meurtrières de Valence et sa région.
Des milliers de personnes réclament chaque mois la démission de Carlos Mazón après les inondations meurtrières de Valence et sa région. - J. Jordan / AFP

« Le pire, c’est que Mazón a changé plusieurs fois de version. Et il a menti, manipulé des documents », souligne María Elisa Alonso. Lorsqu’il quitte son bureau vers 14h30 pour aller déjeuner jusqu’à 18h30-18h45, il n’y a pas encore de victimes, mais à son retour à 19h45, il apprend déjà qu’il y a « beaucoup de morts », d’après ce qu’un collaborateur lui signale à son arrivée au siège du gouvernement, selon le quotidien Levante. Mazón se rend ensuite au Centre de gestion des urgences (Cecopi), où il arrive peu avant 20h30. « Je n’ai pas éteint mon portable, ni été injoignable ou dans une zone sans réseau, ni fait preuve de désintérêt », se défend-il de son côté.

« La journaliste avec qui il a déjeuné devrait bientôt être entendue, ce qui pourrait nous éclairer davantage », mentionne la maîtresse de conférences. Pour cette dernière, la procédure judiciaire pourrait encore prendre « des années », siendo « très lente » en Espagne.

Quelles réactions de la population, un an après ?

« Assassin », « lâche ». Mercredi, la cérémonie d’hommage aux 237 personnes disparues lors des inondations a débuté par des insultes à l’encontre de Carlos Mazón. Les familles des victimes ne voulaient pas qu’il assiste aux « funérailles d’État », en présence du roi Felipe VI et de la reine Letizia. Mais il était bien présent.

« Il y a une véritable colère de la population envers lui, une crise de confiance, estime María Elisa Alonso. Même au sein de son propre parti, les choses évoluent. Cette semaine, le leader de son parti, qui le soutenait jusqu’à présent, a sous-entendu qu’il serait pertinent qu’il démissionne, sans jamais le dire clairement. »

Pour le parti conservateur, ces controverses autour du président de la région de Valence « impactent les intentions de vote » et les résultats des sondages. « Il est devenu un fardeau pour sa famille politique », affirme María Elisa Alonso. Avant d’ajouter : « Mais personne ne peut l’obliger à démissionner s’il ne le souhaite pas. »

Pourquoi Mazón s’accroche ?

Mais alors, pourquoi Mazón n’abandonne-t-il pas son poste ? « Personne ne comprend, déclare la maîtresse de conférences à l’université de Lorraine. Lui considère qu’il est injustement jugé, se positionne toujours en victime. Il parle même de chasse aux sorcières, d’un complot de la gauche contre lui. Il rejette la responsabilité sur tout le monde, sauf sur lui-même. Son attitude est incompréhensible. 

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A moins de deux ans des prochaines élections régionales, en 2027, il s’accroche à son poste. Pour María Elisa Alonso, « il peut réellement tenir » et « il va sûrement le faire ». « Il tire profit de cette situation car il conserve un certain temps au pouvoir, y gagnant des droits économiques », conclut-elle.