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Guerre en Ukraine : Zelensky flatte Trump avant son retour, un pari gagnant avant d’éventuelles négociations de paix ?

Caresser Donald Trump dans le sens du poil peut-il servir les intérêts de Kiev ? Volodymyr Zelensky n’économise en tout cas pas ses compliments à l’égard du 46e président américain élu, qui posera à nouveau ses valises à la Maison-Blanche le 20 janvier prochain. Le républicain a battu Kamala Harris à l’élection présidentielle ? C’est parce qu’il « était bien plus fort », a assuré le chef d’Etat ukrainien dans une interview accordée au podcasteur américain Lex Fridman diffusée dimanche. « J’adore le message du président Trump quand il parle », a-t-il ajouté.

Des flatteries qui résonnent d’abord comme un pied de nez à l’administration de Joe Biden, à l’origine d’une « profonde déception » du côté ukrainien, notamment concernant « le retard sur la livraison des armes ou la tardive autorisation de frapper le sol russe », note Nicolas Tenzer, spécialiste des questions stratégiques et internationales et enseignant à Sciences Po et auteur de Notre guerre (L’observatoire).

Il s’agit aussi d’une manœuvre pour s’attirer les bonnes grâces du président à la tête du pays qui soutient le plus l’Ukraine en matière de livraisons d’armes. C’est la « tactique de la câlinothérapie » à l’aube de possibles négociations de guerre, analyse Nicolas Tenzer. Donald Trump a en effet affirmé pendant sa campagne vouloir mettre fin au conflit entre la Russie et l’Ukraine « en 24 heures ». Alors si des pourparlers venaient à être organisés, autant l’avoir dans la poche. « Ça vaut la peine d’essayer, et Volodymyr Zelensky a compris que flatter Donald Trump pourrait fonctionner », estime également Marie Dumoulin, directrice du programme Europe élargie au Conseil européen des relations étrangères (ECFR).

Les Etats-Unis, un atout potentiel

Contrairement aux craintes nées avant la victoire de Donald Trump, son retour pourrait, finalement, ne pas être une si mauvaise nouvelle que prévu pour Kiev. Malgré la nomination de J.D. Vance, farouche opposant à l’aide à l’Ukraine, à la vice-présidence, ou les déclarations de Donald Trump Jr sur Kiev qui pourrait « perdre [son] argent de poche », d’autres signes contradictoires laissent espérer une politique moins revêche vis-à-vis de l’Ukraine.

Parmi eux, le choix de deux républicains traditionnels, Mike Waltz et Marco Rubio, pour les rôles de conseiller à la sécurité nationale et de secrétaire d’État. Une décision qui traduit la volonté d’« un certain équilibre » et le début d’une réflexion sur « la question de savoir comment faire pression sur Poutine », analyse Lawrence Freedman, professeur émérite d’études sur la guerre au King’s College de Londres, dans une note.

Volodymyr Zelensky a lui-même affirmé tout haut miser sur le côté imprévisible de Donald Trump pour faire pression sur le chef d’Etat russe. Devant Joe Biden, le dirigeant du Kremlin « était en terrain connu, alors que Donald Trump peut aller plus loin dans la menace, il est potentiellement plus dangereux pour Vladimir Poutine », acquiesce Nicolas Tenzer. Mais cette imprévisibilité peut aussi se retourner contre Kiev.

L’Ukraine, un sujet stratégique pour Trump

Selon les observateurs du conflit, Donald Trump rêve de décrocher le prix Nobel et la paix, et mettre fin à la guerre en Ukraine pourrait peser en sa faveur. Au contraire, si l’armée ukrainienne ne parvenait plus à se défendre contre l’agression russe, cela « anéantirait les espoirs de Donald Trump d’être perçu comme un grand pacificateur. Au lieu de cela, il se retrouverait avec sa propre version de l’Afghanistan », jugent Michael Froman, président du Conseil des relations extérieures (CFR), et Charles Kupchan, expert sur l’Europe dans une tribune.

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Reste le flou sur des négociations éventuelles, comme le note Marie Dumoulin : « On ne sait pas quel format elles pourraient avoir. On ne sait pas non plus ce que Donald Trump prévoit dans son plan ». Or, « il faut des garanties de sécurité pour l’Ukraine », insiste-t-elle. Car « un mauvais accord ferait courir le risque de déstabilisation du pouvoir ukrainien, et plus largement de l’Europe », ajoute Marie Dumoulin.

Ces négociations que Donald Trump souhaite mettre en place seront, enfin, l’occasion de se positionner comme « l’homme fort » qui tient tête à Vladimir Poutine. Un moyen d’envoyer un message à d’autres Etats comme la Corée du Nord, la Chine ou l’Iran, alliés de la Russie. « S’il lâche l’Ukraine, il envoie un message de faiblesse, donc il a rationnellement intérêt à se mettre de son côté. Mais est-il rationnel ? », s’interroge Nicolas Tenzer.