Guerre en Ukraine : Volodymyr Zelensky qui emprisonne ses opposants politiques ? Pourquoi c’est à nuancer
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky enferme-t-il ses opposants politiques ? C’est ce qu’affirment plusieurs internautes et personnalités influentes sur les réseaux sociaux depuis quelques jours. Ces affirmations citent pour la plupart des propos attribués à l’américaine Tulsi Gabbard, désignée par Donald Trump comme la future cheffe du renseignement des Etats-Unis.
Elle apparaît dans un extrait vidéo, doublé en français, dans lequel on entend : « regardez quel type de démocratie Zelensky est en train de mener en Ukraine. Il n’a pas seulement emprisonné ses opposants politiques, très tôt. Il a interdit l’ensemble de leur parti politique. Il a fermé tous les médias qui n’étaient pas contrôlés par lui et son gouvernement, essentiellement. Il n’y a donc pas eu de liberté d’expression, pas de place pour une quelconque opposition politique, et il s’est ensuite attaqué à la religion. Il n’y a pas de liberté religieuse dans ce pays, il a fait fermer la deuxième plus grande Église chrétienne. »
Bien que datant de 2023, cet extrait vidéo est authentique. Il provient d’une interview donnée par Tulsi Gabbard, connue pour ses positions pro-russes, à l’émission politique conservatrice The Rubin Report. On peut d’ailleurs trouver l’extrait complet sur la chaîne YouTube de la femme politique.
Des personnalités considérées comme proches de la Russie arrêtées
Depuis le début de l’offensive russe en février 2022, « il y a eu un mouvement répressif à l’égard des acteurs politiques qui ont été soupçonnés de collaboration ou de connivence avec l’ennemi », analyse Anna Colin Lebedev, politologue et sociologue spécialiste de l’Ukraine. « C’est passé par l’interdiction d’un certain nombre de partis politiques, dont le »Bloc d’opposition », qui était issu lui-même du »Parti des régions ». Zelensky n’était pas le premier à l’initiative de cette interdiction. Dès 2014, il y a eu, par vagues, des interdictions pour ce mouvement qui était identifié comme étant affilié à la Russie. » Comme le rapportait Libération, le président ukrainien a en 2022 suspendu 11 partis politiques, en raison de leurs liens supposés avec la Russie.
« L’arrestation politique qui a fait le plus de bruit, est celle de Viktor Medvedtchouk, proche de Vladimir Poutine et accusé d’avoir œuvré à accueillir l’occupant Russe sur le sol ukrainien. Il a été arrêté, jugé et condamné à de la prison », indique Anna Colin Lebedev, pour qui « son lien avec la Russie ne fait aucun doute. »
La spécialiste cite également la campagne anti-corruption menée par le gouvernement ukrainien contre les oligarques, et notamment des poursuites contre celui considéré comme le parrain de Zelensky, Ihor Kolomoïsky. « Je ne pense pas qu’on puisse le qualifier d’opposant politique, mais l’objectif était aussi d’envoyer un message au milieu des affaires et au fonctionnement oligarchique du pays. »
L’opposition politique existe en Ukraine
Comment les arrestations pour complicité avec la Russie ont-elles été perçues par les Ukrainiens ? « Dans les premiers mois de la guerre, il y avait l’idée, soutenue par des faits, que des agents locaux avaient aidé la Russie à s’informer, à s’infiltrer. Donc, ça a plutôt été bien perçu. » « Mais aujourd’hui la société est très vigilante à l’égard du président. Il n’y a pas de culte de personnalité de Zelensky. Il y a une critique qui vient du Parlement, mais aussi de personnalités influentes de la société civile et de militaires », nuance Anna Colin Lebedev.
La spécialiste donne l’exemple de l’ancien président Petro Porochenko. « Il y a une très forte animosité entre lui et Zelensky, qui ne l’empêche pas d’être présent sur la scène publique ». Ce dernier était le principal opposant à Volodymyr Zelensky lors de la précédente élection en 2019.
Quelle liberté pour les médias ?
Pour ce qui est des médias, le gouvernement de Volodymyr Zelensky a fait fermer plusieurs chaînes considérées comme pro-russes en 2021, comme le rapportait Le Monde. Plus récemment, trois chaînes ont été exclues de la TNT en avril 2022. Une situation dénoncée par des ONG comme Reporters sans frontières. « Au début de la guerre, il y a eu un consensus entre les médias sur la nécessité d’avoir un message unique et assez contrôlé, pour ne pas donner de billes à l’ennemi et centraliser les efforts », ajoute Anna Colin Lebedev, qui précise néanmoins que ce consensus est « très fortement remis en question » depuis plus d’un an.
« Il y a déjà eu des cas de pressions sur les journalistes de la part de l’administration présidentielle. Mais cela provoque une médiatisation très vive et le pouvoir a été obligé de faire marche arrière et de réadhérer à des principes d’indépendance de la presse. Ces pressions sont très unanimement considérées comme des anomalies », ajoute la chercheuse.
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Pas de liberté religieuse en Ukraine ?
Enfin, concernant la liberté de culte, 20 Minutes a déjà vérifié les affirmations selon lesquelles la religion orthodoxe aurait été interdite par le gouvernement. Le Parlement ukrainien a adopté le 20 août une loi visant l’Eglise orthodoxe ukrainienne. Cette dernière est rattachée à l’Eglise orthodoxe russe, considérée comme un allié du régime russe. Toutefois, il existe plusieurs Eglises orthodoxes en Ukraine qui ne sont pas visées par cette loi.