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Guerre en Ukraine : Vladimir Poutine peut-il faire échouer le cessez-le-feu ?

Après huit heures de réunion en Arabie saoudite et la bénédiction des Etats-Unis et de l’Ukraine, l’inattendue proposition de cessez-le-feu doit être désormais validée par la Russie. Une trêve de 30 jours, un accord sur les minerais ukrainiens, mais pas grand-chose qui pourrait facilement amener à la table des négociations le Kremlin, alors que les attaques russes se poursuivent sur le front. Sous pression, Vladimir Poutine peut-il encore saboter les négociations ?

« Pour l’instant, je ne vois pas vraiment quelle pression l’Occident met sur la Russie, s’interroge Vera Grantseva, enseignante à Sciences Po Paris. Quel levier possède Donald Trump pour forcer Poutine à accepter la paix ? » Depuis plusieurs semaines, le président américain enchaîne les prises de position prorusses, mettant Vladimir Poutine dans une position plus que confortable. Quant aux bonnes relations qu’entretiennent les deux hommes, elles ne garantissent selon elle « aucun compromis, dont Vladimir Poutine a montré qu’il n’en était pas capable ».

Surtout, Paul Gogo, journaliste et ancien correspondant à Moscou, rappelle que Vladimir Poutine déteste devoir agir sous pression : « Il cherche constamment à montrer que ses actions ne sont pas des réponses à des pressions qu’elles soient externes ou internes. Il souhaite être le plus indépendant possible. »

Le problème de la présence des forces ukrainiennes en Russie

Les dernières déclarations de Volodymyr Zelensky, qui appelle les Etats-Unis à des mesures « fortes » en cas de refus russe, ainsi que les encouragements de la communauté internationale, ne devraient donc pas plaire au Kremlin. A l’intérieur de son pays, le président russe doit aussi composer avec son extrême droite nationaliste, une partie des militaires et des milbloggers (blogueurs militaires) qui à l’inverse souhaitent la poursuite de la guerre.

Pour calmer cette grogne intérieure, la Russie doit obtenir quelques réussites militaires avant le début des négociations. « Impossible pour la Russie de parler de cessez-le-feu » tant que des forces ukrainiennes tiendront le territoire russe, et notamment la région de Koursk, assure Paul Gogo. Ce petit bout de Russie donnerait aux Ukrainiens « un trop gros levier dans les négociations ».

Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’Iris, ancien ambassadeur à Moscou et auteur de Géopolitique de la Russie voit très bien Moscou faire traîner ces négociations quelques semaines le temps de reprendre cette région, où la Russie « avance ». « Je pense que Vladimir Poutine a été surpris de la rapidité avec laquelle Zelensky a accepté les conditions américaines, surtout avec les derniers échanges tumultueux avec Donald Trump. » L’objectif est avant tout de gagner du temps pour arriver dans ces négociations avec les cartes en main.

Poutine aurait-il besoin de repos ?

Pour autant, l’ancien ambassadeur pense qu’il est possible que les Russes signent cet accord de cessez-le-feu, qui pourrait être « le point de départ d’un plan plus global » :

« La Russie souhaite un accord de paix définitif et solide. Ils ne souhaitent pas qu’une revanche ukrainienne soit possible d’ici quelques années. » »

La signature, pourquoi pas, mais aux conditions russes. D’après Vera Grantseva, impossible par exemple que la Russie accepte l’arrivée de soldats européens à la frontière, et encore moins l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN. Des conditions déjà évoquées par les dirigeants européens dont Emmanuel Macron. La Russie pourrait à tout moment refuser de poursuivre les négociations si certaines conditions sont considérées comme inacceptables.

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Et même si un cessez-le-feu est signé, Paul Gogo alerte : ce n’est pas pour autant la fin de la guerre. « Poutine ne signera pas cet accord pour sauver des vies, mais parce qu’il pourra s’en servir à son avantage. Entre 2015 et 2022, il réveillait et utilisait le front quand il en avait besoin, avant des sommets internationaux, pour camoufler une crise intérieure… » Il gardera la menace de la guerre au creux de sa main, tant que ses objectifs ne seront pas atteints.