Guerre en Ukraine : Un maire ukrainien demande « pardon » à Vladimir Poutine ? Attention à cette fausse vidéo
Alors que l’Ukraine et la Russie viennent de parvenir à un accord pour mettre fin aux affrontements en mer Noire, des responsables politiques ukrainiens commencent-ils à se ranger du côté de Vladimir Poutine ? C’est en tout cas ce que tente de faire croire une vidéo visionnée plus d’un million de fois sur les réseaux sociaux. Elle est présentée, notamment sur TikTok, comme le message d’un « maire ukrainien » qui demanderait « pardon » au président Russe.
On y voit un homme face à la caméra, un drapeau et une carte de l’Ukraine derrière lui. Par-dessus ses paroles, une voix off en français et une musique aux accents tragique. « M. le président Poutine, je vous demande pardon. Pardon pour cette guerre qui n’aurait jamais dû être, pardon pour ces vies brisées, pour notre peuple pris en otage par des décisions qui ne sont pas les siennes. Nous avons été manipulés. La France, l’OTAN, ces puissances qui prétendaient nous aider nous ont abandonnées, nous ont utilisées comme un simple champ de bataille dans leur jeu d’influence. Et aujourd’hui, c’est l’Ukraine qui paie le prix, dans le sang et les larmes. Je ne peux plus me taire. Il est temps de parler, de négocier, de mettre fin à cette tragédie. M. le président, je suis prêt. Ecoutons enfin la voix de ceux qui souffrent. », peut-on entendre de la voix off.

FAKE OFF
Cette vidéo est trompeuse, et est le résultat d’un montage audio dans le but de servir la propagande russe. Si les images et la voix originale, que l’on entend en fond, sont authentiques, la voix off est mensongère. Elle ne retranscrit pas (du tout) les propos réellement tenus par l’homme dans la vidéo. Ce dernier est Vladislav Atroshenko, maire de la ville de Tchernihiv, au nord du pays, de 2015 et 2022. Une recherche d’image inversée permet de trouver la vidéo originale, dont sont extraites les premières secondes qui servent à la fausse vidéo.
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Elle a été publiée le 8 juillet 2022 sur la page Facebook officielle de Vladislav Atroshenko. Une superposition des deux vidéos permet de constater que le son et les images collent parfaitement. Quant à la voix off en français, elle a très certainement été générée par une intelligence artificielle, dont elle porte une des signatures vocales caractéristiques. Les premières traces de la vidéo modifiée que nous avons été en mesure d’identifier remontent au dimanche 23 mars.

Une vidéo en réalité adressée à Volodymyr Zelensky
Que dit donc Vladislav Atroshenko dans la vidéo originale ? Il s’adresse en réalité au président ukrainien Volodymyr Zelensky, dont il accuse l’administration de chercher à le démettre de ses fonctions de maire de Tchernihiv. Le texte partagé avec la vidéo sur Facebook est une transcription de sa prise de parole. « Aujourd’hui, vos subordonnés tentent de m’écarter, moi le maire, de l’administration de la ville et d’installer leur propre homme en nommant une administration militaire à Tchernihiv », assure-t-il. Il dénonce également des entraves à son travail et des intimidations. « Monsieur le Président, je ne peux pas laisser Tchernihiv souffrir. C’est pourquoi je m’adresse à vous en tant que garant de la Constitution ! Je vous demande d’intervenir dans la situation, de mettre fin à l’attaque politique dont je fais l’objet de la part de certains de vos subordonnés et de soutenir la ville et le maire de Tchernihiv par tous les moyens possibles », demande-t-il à la fin de son message.
Un message n’a visiblement pas eu l’effet escompté puisque Vladislav Atroshenko a été suspendu de ses fonctions de maire par un tribunal le 7 décembre 2022 pour conflits d’intérêts, comme le rapporte la BBC (en ukrainien). Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel de Lviv en février 2023, qui a rejeté l’appel du maire, faisant entrer en vigueur la suspension. Il avait été reconnu coupable d’avoir fourni à sa femme une voiture de fonction pour un voyage à l’étranger le 5 mars, quelques jours après le début de l’invasion russe en Ukraine. Ce dernier a toujours clamé que les vraies raisons de cette mise à pied étaient politiques.