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Guerre en Ukraine : “Sans matériel, mes amis seront morts ou blessés demain”

Depuis le mois d’octobre, la Russie bombarde les installations énergétiques clés, plongeant à chaque fois des millions de personnes dans le noir et le froid. Autant de “misérables tactiques” russes, dénoncées par le président ukrainien Volodymyr Zelensky sur Telegram. Les forces de Moscou poursuivent aussi leur offensive dans le Donbass, où l’on ne cesse d’annoncer la chute de Bakhmout.

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”Mes amis sur la ligne de front m’envoient des messages : s’ils ne reçoivent pas de matériel, ils seront morts ou blessés demain !”, s’impatiente la directrice du Centre d’action anticorruption, de passage récemment à Bruxelles. “Nous nous battrons jusqu’au bout. Mais en réalité, nous ne suivons pas. Les Ukrainiens meurent. La victoire – et par victoire nous entendons la libération de tous nos territoires – doit être rapide !”

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Nous nous battrons jusqu’au bout. Mais en réalité, nous ne suivons pas. Les Ukrainiens meurent.

Cela implique davantage d’aide militaire, notamment de la part de pays qui, “comme la Belgique, pourraient contribuer beaucoup plus”, insiste-t-elle. Et “ce n’est pas seulement une question d’argent et d’équipement, c’est aussi une question de leadership”.

”Une bagatelle”

”L’aide totale à l’Ukraine, militaire et civile, s’élève jusqu’à présent à environ 332,9 millions d’euros”, indique le SPF Affaires étrangères sur son site Internet. “Une bagatelle”, juge Daria Kaleniouk. “La Belgique sous-estime probablement la menace que représente cette guerre pour sa propre sécurité…” D’après le Kiel Institute, qui liste les aides militaire et humanitaire de chaque pays, elle n’y consacre que 0,15 % de son produit intérieur brut. “C’est un pays important de l’Otan et de l’Union européenne, elle pourrait mieux contribuer à la sécurité européenne.” Par exemple en s’inscrivant dans un éventuel projet autour de l’envoi d’avions de chasse F-16, qui reste en attente d’un feu vert américain, plaide Daria Kalienouk. “Elle pourrait jouer un rôle important en assurant la maintenance de ces avions de combat par exemple.”

Si la Belgique a livré, entre autres, des fusils d’assaut, des armes antichars, des camions, des mortiers lourds, l’activiste anticorruption ne comprend pas que des centaines de camions militaires en rade ne puissent pas être envoyés en Ukraine. “Ils seraient en mauvais état… Mais nos ingénieurs les répareront et ils sauveront des vies sur la ligne de front, qui s’étend sur plus de 1 000 kilomètres.”

Elle ne comprend pas non plus que des chars et obusiers aient été cédés “pour rien” – la ministre de la défense Ludivine Dedonder a par exemple évoqué une fourchette de 10 000 à 15 000 € pour des M109 – à des tiers qui veulent les revendre à un prix exorbitant. L’entreprise Flanders Technical Supply (FTS) en a d’ailleurs déjà revendu une vingtaine, avec une confortable plus-value, au Royaume-Uni, qui les a ensuite donnés à l’Ukraine. “Je reste sans voix lorsque j’apprends cela. Si une chose pareille s’était passée en Ukraine, on aurait soupçonné une corruption à grande échelle, il y aurait un énorme scandale et des gens auraient été licenciés”, tranche Daria Kaleniouk.

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”La Troisième Guerre mondiale a commencé”

Pour elle, la Belgique devrait aussi réorienter l’aide qu’elle consacre aux réfugiés ukrainiens – ils sont plus de 63 000 à avoir reçu une attestation de protection temporaire en 2022. Une fois qu’ils sont installés, “laissez-les travailler” au lieu de “leur donner des allocations pour ne rien faire”. “Je suis ukrainienne et je veux que cet argent aille en Ukraine, pour soutenir les personnes qui ont besoin d’aide là-bas.” Le temps est compté.

Il y a un an, au bord des larmes, Daria Kaleniouk avait interpellé l’alors Premier ministre Boris Johnson, réclamant désespérément l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne. “L’Otan a peur d’une Troisième Guerre mondiale. Mais elle a déjà commencé ! Et ce sont les enfants ukrainiens qui subissent les conséquences”, lui avait-elle lancé à Varsovie.

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Aujourd’hui, elle continue à “ressentir beaucoup de peur en Europe”, mais le répète : “la guerre s’y déroule déjà, y compris en Belgique, elle est hybride. C’est juste que la ligne de front est actuellement en Ukraine. Il est préférable de l’arrêter dès que possible”. Parce que, craint-elle, les Ukrainiens “ne survivront pas plus d’un an”.