Guerre en Ukraine : quels territoires Kiev et Moscou revendiquent-ils ?
L’Ukraine a perdu environ un cinquième de son territoire depuis l’invasion russe du pays, en février 2022. La Russie contrôle actuellement environ 88 % du Donbass, incluant presque l’entièreté de l’oblast de Lougansk et près des trois quarts de celui de Donetsk.
Lardées de barbelés, envahies par les flots ou établies en garde alternée, les frontières sont souvent au centre de nombreux conflits entre États voisins. Après trois ans et demi de guerre en Ukraine, la question des frontières, déterminant la propriété des territoires, demeure cruciale dans les négociations, pour le moment quasi inexistantes, entre Kiev et Moscou. Vendredi, Donald Trump a incité son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, à céder à la Russie la région du Donbass, actuellement contestée sur le plan militaire, selon des médias américains.
À l’issue de cette rencontre tendue, le président des États-Unis a cependant appelé les parties en conflit à « s’arrêter immédiatement à la ligne de front » actuelle. Les hésitations du président américain, qui aurait reconnu ne « même pas savoir où ça se trouve » pendant que Volodymyr Zelensky lui montrait des cartes du front, soulèvent des questions sur cette problématique territoriale. Que désire l’Ukraine ? Et la Russie ? Ce découpage est-il réellement au cœur du conflit ?
### Que veut l’Ukraine ?
C’est sans doute la question la plus simple. « L’Ukraine souhaite conserver ou récupérer l’intégralité de son territoire, dont les frontières sont légales, légitimes et internationalement reconnues », déclare Jean-Sylvestre Mongrenier, directeur de recherche à l’Institut Thomas More. Depuis l’invasion russe en février 2022, Kiev a perdu environ un cinquième de son territoire.
Il faut également prendre en compte la question de la Crimée, envahie et annexée illégalement par la Russie en 2014, que Kiev continue de revendiquer. Cependant, les chances que ce territoire soit restitué aux Ukrainiens semblent minimes, compte tenu de « sa position géographique et de son rôle géostratégique importants dans la géopolitique de la Mer Noire », souligne l’expert.
Néanmoins, les négociateurs ukrainiens sont prêts à un cessez-le-feu sur la ligne de front actuelle alors qu’une grande partie du Donbass est toujours sous contrôle russe.
### Que veut la Russie ?
Officiellement, le Kremlin concentre ses efforts sur le Donbass, région de l’est de l’Ukraine où les russophones sont en majorité. À présent, la Russie contrôle environ 88 % de cette zone, englobant presque l’intégralité de l’oblast de Lougansk et près des trois quarts de celui de Donetsk, où les combats sont particulièrement intenses.
En réalité, Vladimir Poutine lorgne aussi sur la « Novorossia », ce territoire ukrainien dont le nom évoque les conquêtes de Catherine II au XVIIIe siècle. Il couvre le Donbass ainsi que l’ensemble du sud de l’Ukraine, permettant à la Russie de reprendre le contrôle de la Mer Noire, actuellement dominée par Kiev.
Jean-Sylvestre Mongrenier va plus loin : « En vérité, la Russie souhaite s’emparer d’une manière ou d’une autre de toute l’Ukraine : conquérir par la force ou obtenir par la diplomatie les terres à l’est du Dniepr, ainsi qu’un « pont terrestre » de la mer d’Azov jusqu’à Odessa, et faire réduire la partie ouest de l’Ukraine au statut d’un « État-croupion », privé d’accès à la Mer Noire et sous influence de Moscou. »
### Le conflit peut-il réellement se résoudre par un échange de territoire ?
Contrairement à l’espoir du président des États-Unis, il est très peu probable que cela se produise. « Donald Trump semble croire, à tort dans ce cas, que la guerre en Ukraine pourrait être résolue par un compromis territorial, mais les enjeux sont bien plus vastes. Il serait erroné de considérer cela comme un simple litige territorial sur un lointain théâtre exotique », affirme Jean-Sylvestre Mongrenier.
Le Kremlin ne supporte pas la souveraineté de l’Ukraine et aspire à transformer ce pays en État fantoche, contrôlé depuis Moscou. « Pour le Kremlin, l’Ukraine n’a pas de raison d’exister en tant qu’État national, souligne le chercheur. Aux yeux des impérialistes russes, les Ukrainiens sont vus comme des « petits Russes » qui doivent être vaincus, soumis, réintégrés dans l’Empire russe ou satellisés. »
Parallèlement, la guerre en Ukraine permet à Vladimir Poutine de redéfinir les équilibres mondiaux. La Russie se rapproche de la Chine et tente de diviser les États-Unis et l’Union européenne pour mieux contester l’hégémonie occidentale. Des enjeux qui débordent donc largement la seule question des territoires.

