Guerre en Ukraine : Quels pays d’Europe viendraient s’abriter sous le « parapluie » nucléaire français ?

La France va-t-elle prendre les Vingt-Sept sous son aile ? Ou plutôt sous son parapluie nucléaire, puisque c’est l’idée qui flotte dans l’air depuis plusieurs jours. Le futur chancelier allemand, Friedrich Merz, a évoqué la possibilité de placer l’Union européenne – et l’Europe au sens large – sous la protection des systèmes français et britannique.
Contrairement au « Dôme de Fer » israélien, très visible et vidéogénique, le parapluie nucléaire est un concept plus « virtuel », qui consiste en un ensemble de têtes nucléaires disséminé sur terre et en mer, via des sous-marins, dont l’intérêt principal est de décourager l’ennemi d’attaquer.
Une occasion pour la France de s’affirmer… sans partager
En Europe, trois pays possèdent un tel dispositif : La France, le Royaume-Uni et… les Etats-Unis, véritable pièce maîtresse du programme de défense de l’Otan, bien moins rassurante depuis l’altercation entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky vendredi. Au point que même la très atlantiste Allemagne s’est tournée vers la France. Emmanuel Macron n’a pas manqué de rebondir en se déclarant favorable à une discussion en ce sens.
Mais ce n’est pas si simple. D’abord parce que le parapluie nucléaire français ne se « partage » pas, comme l’explique à 20 Minutes Michel Goya, ancien colonel des troupes de marine et historien : « Le traité sur la non-prolifération interdit de fournir des armes nucléaires à d’autres pays. » Aussi, seul l’Etat-propriétaire – pour la France, seul le président de la République – peut décider de leur usage. Pas question donc de donner les manettes à un pays allié.
Le risque de provoquer Poutine…
« La doctrine française veut que cette utilisation ne se dresse qu’en cas de menace pour la Nation, sur des enjeux vitaux difficiles à expliquer. C’est ce qu’on appelle l’ambiguïté stratégique, qui permet de garder le flou et donc une menace sur de possibles agresseurs », ajoute le spécialiste. Autant dire que si la Moldavie se fait envahir par les troupes russes, Emmanuel Macron n’appuiera sans doute pas sur le bouton. Mais la donne pourrait changer si une autre puissance européenne était visée, comme l’Allemagne : « Berlin est un enjeu et un partenaire vital pour la France, de par son importance en Europe et sa proximité avec nos frontières », explique Michel Goya.
Les pays scandinaves, d’Europe de l’est ou baltes accepteraient-ils d’intégrer la protection de la France, au risque de provoquer Vladimir Poutine ? Ce dernier avait déjà pris l’avancée de l’Otan vers son pays comme excuse à l’invasion de l’Ukraine.
… et de perdre Trump
De la même manière, la Pologne, qui base sa défense sur les Etats-Unis – mais qui s’est redéclarée aux côtés de l’Ukraine après le clash Trump-Zelensky, ou encore l’Italie, qui peine à se positionner, prendraient-elles le risque de détériorer leurs relations avec Donald Trump ? Et ce alors que l’Europe ne dispose pas de la même capacité militaire que les Américains ? Le Royaume-Uni, lui, dispose de son propre parapluie nucléaire. Mais il dépend techniquement des Etats-Unis, qui lui fournissent les missiles et la maintenance qui va avec… Difficile, donc, d’imaginer nos voisins agir sans l’aval de Washington. D’ailleurs même l’Ukraine, par la voix de Volodymyr Zelensky, pourtant maltraité dans le Bureau ovale, n’a pas tiré une croix sur l’aide américaine.
Autre inconvénient du parapluie français : ses missiles nucléaires sont trop puissants pour pouvoir être utilisé à des fins d’avertissement ou dans le cadre d’une riposte graduée, selon Michel Goya : « Les Etats-Unis, avec leurs petits B-61, pourraient effectuer un tir dans l’Espace ou dans une zone inhabitée, pour intimider. Pas la France, dont les missiles sont trop puissants. »
Renforcer la défense conventionnelle
Pour le spécialiste, la priorité doit être donnée aux troupes conventionnelles, au sol. C’est le cas en Estonie, où des troupes françaises stationnent devant la frontière russe, ou encore en Roumanie. « Après, il reste la possibilité de faire comme les Etats-Unis avec l’Otan et de déployer des missiles français dans un système de double-clé, en Pologne par exemple. Sur des avions polonais, mais qui ne pourraient être utilisés que sous décision de la France. C’est très limite par rapport au traité de non-prolifération, mais c’est faisable », envisage Michel Goya.
Selon lui, cette stratégie permettrait de faire comprendre à la Russie qu’en cas d’attaque de grande ampleur, le pays agressé serait en capacité de répondre. « Foutu pour foutu, autant tout donner contre l’agresseur », image Michel Goya.