International

Guerre en Ukraine : « Poutine est le seul à gagner quelque chose » avec l’accord sur la mer Noire

Pas à pas, l’administration Trump espère obtenir la fin des combats en Ukraine. Mardi, Washington a annoncé que Kiev et Moscou avaient accepté de cesser toute hostilité en mer Noire, un possible cessez-le-feu dont les contours sont encore très flous. Il vise à « assurer la sécurité de la navigation, éliminer l’usage de la force et d’empêcher l’utilisation de navires commerciaux à des fins militaires dans la mer Noire ». Mais pour de nombreux observateurs du conflit, cette trêve potentielle est bien plus profitable à la Russie qu’à l’Ukraine. Car depuis le début de l’invasion russe, les Ukrainiens surfent sur la mer Noire. « Kiev a gagné cette bataille, c’est sûr », lance Vincent Desportes, ancien général de l’armée de terre française et professeur de stratégie à Sciences Po Paris et à HEC.

« Poutine est défait en mer Noire, évidemment qu’il veut un cessez-le-feu là », titre d’ailleurs le quotidien britannique The Telegraph après l’annonce de Washington. C’est d’ailleurs un tour de force « incroyable » de la part de l’armée ukrainienne qui, rappelle Vincent Desportes, « ne possède même pas de navire » de guerre. « L’Ukraine a réussi à asseoir sa domination sur la mer Noire en étant très inventive, notamment en coulant des navires avec des drones marins. Elle est aussi en mesure de frapper très loin, même dans les ports et même des bateaux en cale sèche, grâce aux missiles à longue portée envoyée par l’Occident », explique l’expert militaire. En avril 2022, Kiev a d’ailleurs coulé le croiseur Moskva en mer Noire, une victoire devenue un symbole de la résistance ukrainienne.

L’excellent commerce ukrainien

Humilié, Moscou a donc intérêt à pousser pour un cessez-le-feu dans cette zone. D’autant plus qu’une trêve maritime pourrait revêtir des avantages commerciaux. Enfin, pour le Kremlin. L’Ukraine, elle, « peut déjà faire passer ses bateaux jusqu’au Bosphore. Le blé ukrainien suit déjà la rive occidentale sans être menacé », décrypte Vincent Desportes.

D’ailleurs, d’après The Telegraph, le niveau des exportations et des importations de l’Ukraine est aujourd’hui quasiment équivalent à celui d’avant la guerre. La Russie, en revanche, est étranglée par les sanctions occidentales. Si cet accord entre en vigueur, « Moscou pourrait donc faire passer ses navires commerciaux sans qu’ils ne se fassent tirer par l’Ukraine », souligne Vincent Desportes, pour qui « Vladimir Poutine est donc le seul à y gagner quelque chose ».

« Pas un raz-de-marée »

Volodymyr Zelensky a d’abord salué de « bonnes mesures ». Puis la Maison-Blanche a (encore) surpris le président ukrainien en annonçant son intention de soutenir le retour de la Russie dans le commerce mondial. Moscou a expliqué qu’il ne se plierait à l’accord qu’à condition que les sanctions sur ses exportations agricoles soient levées. Toutefois, même si les Etats-Unis levaient leurs sanctions à l’encontre de la Russie, il est peu probable que l’Europe suive.

« Si cet accord entre en vigueur, il arrangera Vladimir Poutine. Mais si ce n’est pas le cas, au fond, il s’en fout un peu », résume Vincent Desportes. Cette nouvelle « victoire » qui devait rapprocher les Etats-Unis de l’annonce de la fin de la guerre est, certes, plus une victoire pour Moscou que Kiev, mais elle reste assez faible au regard des enjeux. « Il n’y a pratiquement rien dans cet accord, glisse l’ancien général. Ce n’est clairement pas un raz-de-marée. » Reste qu’en lame de fond, les négociations orchestrées par Washington restent plus favorables au Kremlin qu’à Kiev.