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Guerre en Ukraine : Le pétrolier « Kairos » et la Bulgarie.

Le pétrolier Kairos, appartenant à la « flotte fantôme », a été abandonné dans les eaux territoriales bulgares par un remorqueur turc après avoir été frappé par un drone ukrainien le 28 novembre. Les 25 membres d’équipage du Kairos ont été évacués sains et saufs selon les autorités turques.


Quand le conflit entre la Russie et l’Ukraine déborde sur les eaux turques et s’invite au large des côtes bulgares. Après avoir été touché par un drone ukrainien au large de la Turquie en mer Noire, le pétrolier *Kairos*, faisant partie de la « flotte fantôme » utilisée par Moscou pour contourner les sanctions occidentales, a été abandonné dans les eaux territoriales bulgares par un remorqueur turc. Voici ce que l’on sait sur cette affaire.

Que s’est-il passé ?
Le *Kairos* et le *Virat* sont des pétroliers naviguant sous pavillon gambien, frappés de sanctions occidentales, car appartenant à la « flotte fantôme » utilisée par Moscou pour continuer d’exporter le pétrole russe. Les deux navires se dirigeaient vendredi 28 novembre vers le port russe de Novossiïrsk, situé au large de la Turquie, sur la côte nord-est de la mer Noire près de l’entrée de la mer d’Azov, lorsqu’ils ont été attaqués par des drones navals « Sea Baby ». Cette opération, menée conjointement entre les services de sécurité ukrainiens (SBU) et la marine ukrainienne, a été revendiquée par Kiev. Le *Virat* a de nouveau été frappé samedi 29 novembre.

Le *Kairos*, construit en 2002, a pris feu le 28 novembre à 28 milles (environ 52 km) des côtes turques à la suite d’une « explosion », comme le montrent des images du navire en proie aux flammes et surmonté d’une épaisse fumée noire, publiées par la Direction turque des affaires maritimes (DGM). Les 25 membres d’équipage ont été évacués sains et saufs, selon les autorités turques. Une source au sein des SBU a affirmé que ces pétroliers étaient vides au moment de l’attaque et se rendaient au port russe de Novorossiïsk pour être réalimentés en hydrocarbures.

Comment le *Kairos* s’est-il retrouvé dans les eaux territoriales bulgares ?
Les services turcs ont réussi à maîtriser l’incendie du *Kairos*, puis ont renvoyé sur le navire une dizaine de membres de l’équipage pour le remorquer jusqu’à Tuzla, près d’Istanbul. Cependant, pour des raisons encore inconnues, le remorqueur turc a finalement emmené le navire dans les eaux territoriales bulgares, où il l’a abandonné. Le remorquage a commencé le 3 décembre et a duré deux jours jusqu’à la zone d’Ahtopol.

En raison d’une tempête, le navire s’est ancré samedi dernier à environ 1.000 mètres de la côte, au large d’Ahtopol, dans le sud du littoral bulgare de la mer Noire, et menace désormais de s’échouer. La Bulgarie a effectué lundi une évacuation par hélicoptère de sept marins présents à bord, bien que celle-ci soit rendue difficile par les conditions météorologiques. Cet abandon dans les eaux territoriales bulgares est-il un acte volontaire de la part du remorqueur turc, ou ce dernier a-t-il rencontré des difficultés en raison des intempéries ? « Ce n’est pas normal », a dénoncé samedi Rumen Nikolov, directeur général des opérations de sauvetage et de secours de l’administration maritime bulgare, ajoutant que les raisons de cette action seraient déterminées « par la voie diplomatique ».

Une réunion s’est également tenue entre le ministre des Transports bulgare et l’ambassadeur de Turquie en Bulgarie. Selon le site spécialisé maritime.bg, ce dernier a affirmé que l’État turc n’avait pas été informé de l’initiative prise par une entreprise privée de convoyer le *Kairos* dans les eaux territoriales bulgares. Toujours selon ce site, le président de la chambre maritime bulgare a dénoncé de son côté l’abandon du navire par la Turquie, mais également la gestion de la crise par la Bulgarie, jugée trop lente. L’enquête se poursuit pour déterminer les circonstances exactes de ce convoyage.

Quels sont les enjeux en mer Noire ?
Ces incidents suscitent de vives inquiétudes quant à l’impact environnemental potentiel et à la sécurité maritime en mer Noire, une zone déjà considérée comme à haut risque depuis le début de la guerre en Ukraine, notamment à cause de la présence de munitions provenant de conflits passés. La mer Noire est une route essentielle pour la Russie, puisque près d’un tiers de son commerce maritime y transite. Ces derniers mois, l’armée ukrainienne cible également régulièrement des sites pétroliers et des raffineries en Russie pour tenter de perturber les revenus d’hydrocarbures permettant à Moscou de financer son effort de guerre.

Mais en frappant des navires à proximité des côtes turques, les Ukrainiens ont provoqué l’ire d’Ankara. « Nous ne pouvons en aucun cas accepter ces attaques qui menacent la sécurité de navigation, l’environnement et la vie dans notre zone économique exclusive », a souligné le président turc Recep Tayyip Erdogan, dont le pays occupe la rive sud de la mer Noire. Pour lui, « le conflit entre la Russie et l’Ukraine a clairement atteint une dimension où il menace la sécurité de la navigation en mer Noire ».