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Guerre en Ukraine : La nomination de Keith Kellogg, une « mauvaise nouvelle » pour Kiev

Donald Trump l’avait dit : au pouvoir, il mettra fin au conflit en Ukraine « en vingt-quatre heures ». La recette miracle de la fin de l’invasion russe, brutalement lancée en février 2022, n’a jamais franchi les lèvres du président élu. Mais Keith Kellogg pourrait-il en être l’ingrédient miracle ? Le général à la retraite, âgé de 80 ans, a un « CV très respectable », assure d’emblée Jeff Hawkins, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de la politique étrangère américaine. Mais, ajoute-t-il, « ce CV est teinté de Trumpisme depuis 2016 ».

« C’est quelqu’un de compétent mais ce qui intéresse surtout Donald Trump, c’est qu’il s’agit d’un fidèle », abonde Jérôme Viala-Gaudefroy, docteur en civilisation américaine et auteur de Les mots de Trump (Ed. Dalloz, 2024). Dès 2016, le général rejoint la campagne du républicain, « ce qui suggère qu’il était un peu en dehors du courant dominant de la politique étrangère républicaine, car de nombreux experts républicains traditionnels restaient alors à l’écart de Trump », note Jeff Hawkins.

« La paix par la force »

En annonçant sa nomination, Donald Trump a salué sur Truth Social la loyauté de son comparse et assuré qu’« ensemble, [ils] obtiendront la paix par la force et rendront l’Amérique et le monde à nouveau sûrs ». « La nomination de Kellogg n’est pas une bonne nouvelle pour Kiev, pas plus que l’élection de Trump », assure Jeff Hawkins. De plus, elle survient alors que le soutien du peuple américain est « en pleine désaffection », note Jérôme Viala-Gaudefroy. « Les Américains ne veulent surtout pas d’une nouvelle guerre, ils estiment que c’est un conflit européen et qu’il a déjà trop duré. »

Dans une note publiée en avril via le groupe de réflexion conservateur America First Policy Institute, Keith Kellogg défend une « politique américaine visant à rechercher un cessez-le-feu et un règlement négocié du conflit ukrainien ». « Kellogg est l’architecte du plan de paix que Trump veut mettre en place en Ukraine, souligne Jérôme Viala-Gaudefroy. Sa nomination à ce poste n’est donc pas une surprise. »

« Son plan pour l’Ukraine, tel que rapporté dans les médias, est essentiellement une capitulation à l’agression russe », résume Jeff Hawkins. Keith Kellogg ambitionne ainsi de faire plier l’Ukraine et de s’asseoir de force à la table des négociations. « Toute future aide militaire américaine exigera de l’Ukraine qu’elle participe à des pourparlers de paix avec la Russie », explique-t-il dans le document du think tank America First Policy Institute. En revanche, du côté de la Russie, qui semble peu encline à mettre fin à son invasion de l’Ukraine, les munitions américaines sont plus maigres.

Un chantage compliqué avec Poutine

« Ils veulent geler le front et forcer les deux parties à négocier avec un scénario un peu à la coréenne [la Corée du Nord et la Corée du Sud n’ont jamais signé de traité de paix mais la guerre est en pause depuis 1953] mais on a du mal à voir comment Donald Trump pourrait menacer Vladimir Poutine », analyse Jérôme Viala-Gaudefroy. « Si l’Ukraine refuse de négocier, il suffit de dire « on refusera de vous aider », le chantage est très clair, mais du côté des Russes, ce sera plus compliqué », note-t-il.

Les échanges entre les dirigeants ukrainien et russe et le président élu sont déjà nombreux, même si leur teneur n’est pas rendue publique. « Volodymyr Zelensky doit travailler avec tous ceux qui siègent à la Maison-Blanche et il semble logique qu’il ne souhaite pas publiquement critiquer Donald Trump », note Jeff Hawkins. Kiev tente de composer avec le futur président et devra aussi s’accommoder de Keith Kellogg qui ne cesse de répéter que, comme Donald Trump, son objectif est que « tout le monde arrête de mourir ». Une doctrine qui pourrait bien se traduire par la mort de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.