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Guerre en Ukraine : La Belgique ne débloque pas les avoirs russes.

La guerre en Ukraine nécessitera un financement alors que le pays sera à court d’argent d’ici la fin du premier trimestre 2026. Environ 70 % des avoirs de la banque centrale russe immobilisés à la suite de l’invasion se trouvent aux mains de la société Euroclear, basée à Bruxelles, pour un montant d’environ 210 milliards d’euros.


La question est simple, mais la réponse est complexe. Comment financer la guerre en Ukraine alors que le pays sera à court d’argent d’ici la fin du premier trimestre 2026 ? Donald Trump affirme depuis des semaines qu’il ne faut pas compter sur les États-Unis. Reste donc l’Union Européenne. Les 27 membres se sont engagés à poursuivre leur soutien, au moins pendant les deux prochaines années, pour un montant estimé à environ 137 milliards d’euros.

Deux options s’offrent aux dirigeants des États membres, réunis en sommet ce jeudi et vendredi : emprunter de l’argent conjointement, ce qui est catégoriquement refusé par plusieurs pays, notamment la France et l’Allemagne, afin de ne pas augmenter leur déficit, ou utiliser les avoirs russes gelés pour émettre un prêt à taux zéro. Cette option inédite présente l’avantage de ne rien coûter au contribuable européen et empêche les Américains de s’emparer de ces avoirs. Dans le plan présenté fin novembre par le gouvernement Trump pour mettre fin au conflit, une clause stipulait le versement de 300 milliards d’avoirs russes aux États-Unis. « Symboliquement, mettre les fonds hors de portée de Washington est un signal fort envoyé par les Européens qui souhaitent avoir leur place à la table des négociations », analyse l’économiste Agathe Demarais, directrice des prévisions mondiales de l’Economist Intelligence Unit.

Si cette solution a obtenu un large consensus au sein de l’UE, elle fait face à une opposition importante : celle de la Belgique. En effet, près de 70 % des avoirs de la banque centrale russe immobilisés à la suite de l’invasion de l’Ukraine (environ 210 milliards d’euros) se trouvent entre les mains de la société Euroclear, basée à Bruxelles. « C’est une institution où les avoirs sont stockés de manière électronique lors d’opérations financières, on peut le voir comme une forme de coffre-fort », précise Agathe Demarais.

L’opposition belge n’est pas d’ordre idéologique, comme celle de la Hongrie – proche du Kremlin – mais d’ordre pratique : Bruxelles ne veut pas assumer seule les risques si Moscou entreprenait un procès pour récupérer ses avoirs. « Puisque Euroclear est une institution belge, si elle devait rembourser les avoirs, ce serait à l’État de recapitaliser », explique l’économiste pour illustrer la position du gouvernement. Le pays souhaite s’assurer que les 27 agissent de manière solidaire en cas de décision de justice favorable à Moscou, tout en garantissant que cette mutualisation couvre également les risques éventuels de représailles russes contre ses intérêts.

Cependant, sur ce point, les négociations rencontrent des difficultés : les partenaires de la Belgique estiment que ce risque est impossible à quantifier. L’Allemagne a ainsi promis 50 milliards d’euros en garantie – soit une part proportionnelle à son poids économique – mais est réticente à aller au-delà, ce qui déçoit Bruxelles. « La Belgique continue à demander que l’Union européenne, et non la Belgique seule, assume la pleine responsabilité financière pour l’ensemble du risque, qui reste inconnu à ce jour », a déploré ce jeudi matin Bart De Wever, le Premier ministre belge.

Une autre condition posée par la Belgique est la question de l’instantanéité. Euroclear estime qu’elle doit pouvoir disposer de toute la liquidité nécessaire pour réagir très rapidement à une demande de remboursement. « La Belgique cherche à obtenir le maximum de garantie si cette disposition venait à être adoptée », insiste Agathe Demarais. La Commission européenne a déjà proposé de fournir un prêt aux États membres rencontrant des difficultés à mobiliser l’argent de leur garantie. Elle est également prête à émettre une reconnaissance de dette, qui pourrait être utilisée par Euroclear.

Bien que Bruxelles abrite la grande majorité des avoirs russes, d’autres pays en détiennent également. La Belgique exige donc que ceux-ci soient aussi mobilisés. « Tout le monde doit participer », a insisté ce jeudi Bart De Wever. Son objectif : la France. Environ 18 milliards d’avoirs russes sont conservés dans des banques privées en France. Jusqu’à présent, Paris a fait la sourde oreille. Toutefois, ce jeudi, le chef du gouvernement belge a déclaré que des « progrès » avaient été réalisés sur ce point.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a promis jeudi que les dirigeants des États membres ne quitteraient pas le sommet sans un accord pour financer l’Ukraine.