Guerre en Ukraine : « Il se positionne en maître de l’Europe »… Poutine est-il en train de se moquer de Trump ?

On imagine mal Vladimir Poutine oser faire attendre son homologue nord-coréen ou se jouer d’une phobie du président chinois. Pourtant, le chef d’Etat russe n’a aucun mal à adopter ce genre d’attitude à l’égard de responsables occidentaux.
Avant l’appel tant attendu entre le chef du Kremlin et Donald Trump mardi sur la guerre en Ukraine, Vladimir Poutine participait à un forum et a dû être rappelé par l’animateur qu’il avait un rendez-vous téléphonique. « Poutine sourit, fait mine de ne pas savoir », raconte France Info. Quelques jours plus tôt, c’est l’émissaire américain Steve Witkoff qui a dû attendre huit heures avant de rencontrer Vladimir Poutine à Moscou, rapporte SkyNews.
Vladimir Poutine en toute puissance
Si l’information a par la suite été démentie, c’est loin d’être la première fois que le dictateur russe adopte une attitude « de non-considération, presque de mépris qui fait partie du personnage », selon Carole Grimaud, chercheuse en Sciences de l’information et de la communication à l’université Aix-Marseille et analyste de la Russie. On peut rappeler la rencontre avec Emmanuel Macron et la table de quelque six mètres de long en 2022, ou cet appel avec le président français, quatre jours avant l’invasion de l’Ukraine, conclut en hâte par son homologue russe invoquant un « match de hockey ».
Il y a aussi la peluche chien offerte à Angela Merkel, alors chancelière allemande en 2006, alors qu’elle avait la phobie des chiens. « Il m’avait dit qu’il ne mordait pas », raconte-t-elle dans ses mémoires, évoquant un autre épisode humiliant quand Vladimir Poutine a fait entrer son chien dans son bureau alors qu’elle était présente. Des épisodes qui tendent à « faire passer un message assez clair à l’Occident : j’atteindrai mes objectifs avec ou sans vous », analyse Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du centre Russie/Eurasie de l’Ifri (Institut français des relations internationales). Il est toujours d’actualité.
« Il montre qu’il a toutes les cartes en main et qu’il pense dominer la diplomatie européenne et américaine », ajoute Carole Grimaud. Même si le rapprochement russo-américain est indéniable, il joue en faveur de Moscou. A travers ses discours véhéments envers l’Europe, Vladimir Poutine a bien compris que les intérêts de Donald Trump se rapprochaient des siens et compte bien en profiter.
Une trêve au rabais
C’est pourquoi, malgré l’enthousiasme affiché par Donald Trump à la fin du coup de fil, se félicitant d’avancées dans les négociations, le contenu de l’échange est finalement peu convaincant et semble dérisoire. Les concessions obtenues par Washington, comme un échange de prisonniers ou l’arrêt des frappes sur les infrastructures, n’en sont pas vraiment.
Notre dossier sur la guerre en Ukraine
Des échanges de prisonniers ont lieu depuis le début du conflit (372 prisonniers de guerre échangés au total selon le Kremlin) et l’arrêt des frappes sur les infrastructures énergétiques, à la fin de l’hiver, pourrait même profiter à l’armée russe si l’Ukraine arrête de son côté de viser les raffineries. « Les Russes profitent des bénéfices de cet accord mais il n’y a aucun mouvement en faveur de la paix », résume Carole Grimaud. D’autant que des bombardements ont continué d’un côté comme de l’autre pendant la nuit. Ainsi, « face à Donald Trump, Vladimir Poutine se positionne en maître de l’Europe », alerte encore la chercheuse.
Mais le président américain « comprend-il ce que les Russes lui font subir ? Qu’il se fait manipuler ? Quelle réaction Donald Trump peut-il avoir à la fin s’il se sent humilié ? », s’inquiète Tatiana Kastouéva-Jean, craignant un abandon total de l’Ukraine et donc de l’Europe.