Guerre en Ukraine : « Donald Trump reprend la rhétorique du Kremlin et va encore plus loin »
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Jusqu’à quel point les Etats-Unis seront-ils toujours considérés comme les alliés des Européens ? En excluant ces derniers et l’Ukraine de futures discussions avec la Russie, le président américain semble tourner le dos au Vieux continent. « Les Etats-Unis ne sont plus nos alliés, c’est un changement dramatique dans les relations et l’ordre mondial », tranche d’emblée Nicolas Tenzer, spécialiste des questions stratégiques et internationales et enseignant à Sciences Po.
Pire : avec ses dernières attaques à l’encontre de Volodymyr Zelensky et l’Ukraine, Donald Trump semble épouser mot pour mot les discours de la Russie.
Un discours « absurde » et « indécent »
A la suite d’une rencontre entre responsables russes et américains en Arabie saoudite, mardi, pour discuter du futur sort de l’Ukraine – mais sans l’Ukraine – le président américain a ainsi fustigé la réaction de Volodymyr Zelensky. « Aujourd’hui j’ai entendu « oh nous n’étions pas invités ». Eh bien, vous avez été là depuis trois ans. Vous auriez dû y mettre un terme il y a trois ans. Vous n’auriez jamais dû commencer [la guerre] », a-t-il lancé, se disant « très déçu ». Il a réattaqué ce mercredi, qualifiant le président ukrainien de « dictateur sans élections ». « Donald Trump reprend la rhétorique du Kremlin et va encore plus loin avec un discours des plus absurdes, des plus indécents », dénonce Nicolas Tenzer.
La Russie a justifié son agression lancée en février 2022 par la volonté de mettre fin à « un génocide de millions de personnes » par des « néonazis », ainsi qu’en réaction à « l’élargissement de l’Otan et la progression de ses infrastructures ». Mais, comme le rappelle la cheffe de la diplomatie allemande ce mercredi, « personne d’autre que Poutine n’a déclenché ou voulu cette guerre au cœur de l’Europe ».
Comme Vladimir Poutine avant lui, le chef d’Etat américain a par ailleurs estimé que Volodymyr Zelensky n’était pas légitime, lui attribuant une popularité de seulement 4 %. Un chiffre totalement faux, selon le dernier sondage en date réalisé par l’Institut international de sociologie de Kiev, qui indique que 57 % des Ukrainiens ont confiance en leur président. Le Ce dernier a d’ailleurs jugé que son homologue américain vivait « dans un espace de désinformation » russe.
Entre Trump et Poutine, des collusions « idéologiques »
Les propos du locataire de la Maison-Blanche « ne sont pas surprenants tellement la collusion idéologique est évidente » entre Donald Trump et Vladimir Poutine, juge Nicolas Tenzer. Selon le spécialiste des questions stratégiques et internationales, l’Américain « se moque », comme son homologue russe, « du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, à leur autodétermination, et les crimes contre l’humanité n’ont pas de sens pour lui ». « Il n’a pas de notion de la justice, du crime, du coupable ou de la victime », ajoute l’enseignant.
Alors que l’Ukraine avait un mince espoir de profiter de la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine, sa volonté de mettre fin le plus rapidement possible aux combats joue finalement contre Kiev. Et même si Volodymyr Zelensky « a bien fait » de tenter de « cajoler » son homologue américain, « on a été naïfs », estime Nicolas Tenzer. Aujourd’hui, Donald Trump semble plus proche que jamais de Vladimir Poutine, qu’il entend même rencontrer prochainement dans l’espoir de trouver un accord de paix. Le tout dans le dos des Ukrainiens et des Européens.
Et maintenant, que peuvent faire les Européens ?
Dos au mur et lâchés par Washington, les Européens vont maintenant devoir redoubler d’efforts pour soutenir l’Ukraine. Face à « la menace existentielle » que la Russie fait peser sur le Vieux continent, selon les mots d’Emmanuel Macron, les Vingt-Sept vont devoir « se réarmer rapidement et massivement », ce qui risque « d’exiger des sacrifices très importants », souligne Nicolas Tenzer.
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Et l’arrêt des combats ne se dessine pas encore, car même si un accord était trouvé entre Washington et Moscou, « il n’y aura pas de cessez-le-feu sans accord de paix durable, et il n’y aura pas de paix durable sans garanties de sécurité », martèle Nicolas Tenzer. Et d’assurer que « l’Ukraine ne se pliera pas » aux conditions russes.