International

Guerre en Ukraine : Derrière les accusations de prise de drogue par Emmanuel Macron, une campagne pro-russe XXL

Les rumeurs et fausses informations sur Emmanuel Macron ne sont pas rares, mais ce n’est pas tous les jours que l’Elysée prend l’initiative de communiquer officiellement pour apporter un démenti. C’est pourtant ce qu’a fait la présidence française hier, tentant d’endiguer l’ampleur des accusations qui se répandent sur les réseaux sociaux depuis le voyage d’Emmanuel Macron en Ukraine, dans un train reliant Kiev depuis la Pologne en compagne du premier ministre britannique Keir Starmer et du chancelier allemand Friedrich Merz.

D’après de nombreux internautes et influenceurs politiques, les dirigeants y auraient été surpris en train de tenter de dissimuler de la cocaïne. La séquence de quelques dizaines de secondes capturée par les photos et vidéos prises par les journalistes conviés à l’évènement, où l’on voit le président français dissimuler un objet blanc dans ses mains et Friedrich Merz faire de même avec un autre petit objet présent sur la table au moment où ils s’installent face à la presse. Dans sa publication sur X, qui prend la forme d’un meme, l’Elysée publie une image agrandie du fameux objet blanc, qui apparaît tout simplement comme un mouchoir.

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

C’est également ce que permettent de conclure les vidéos et photographies prises par les journalistes présents dans le train, en zoomant sur les images. L’objet dont se saisit le chancelier allemand est plus difficile à identifier, mais rien ne permet de conclure qu’il servirait à prendre de la drogue à partir du moment où on admet que le prétendu sachet de cocaïne n’est rien d’autre qu’un mouchoir. Il est de toute façon très improbable que les délégations françaises anglaises et allemandes aient pu laisser des « preuves » si évidentes aux yeux de la presse internationale, dont la présence était prévue dans le train.

Une théorie relayée par des hauts placés russes

Quoi qu’il en soit, les images ont rapidement été reprises par des internautes et influenceurs au positionnement pro-russe. 20 Minutes a pu identifier les premières publications portant ces accusations peu de temps après la publication des images par les journalistes présents sur place, dans la journée du samedi 10 mai (jour de l’arrivée du train à Kiev). Plusieurs publications francophones publiées à cette date cumulent aujourd’hui des millions de vues. L’engouement autour de cette rumeur ne faiblit pas et explose le lendemain. Des personnalités très suivies et connues pour leurs positions pro-Kremlin, comme Florian Philippot ou Silvano Trotta, s’en font le relais. Mais ces accusations ne sont pas limitées à la France. On trouve aussi leur trace dans plusieurs canaux Telegram pro-russes, ainsi que sur RT, équivalent de Facebook russe.

La rumeur n’est pas cantonnée à d’obscurs réseaux conspirationnistes francophones, mais reprise à très large échelle à l’international. On peut notamment citer comme relais très influent de cette rumeur le podcasteur conspirationniste d’extrême droite pro-Trump Alex Jones, qui a consacré de nombreux post visionnés des dizaines de millions de fois sur X à cette rumeur, ainsi qu’une partie de son émission « Info Wars » de dimanche.

Ces accusations sont aussi directement reprises par des relais russes haut placés. La rédactrice en chef du média financé par le gouvernement russe Russia Today (dont la version francophone a aussi consacré un article à l’affaire), a par exemple déclaré sur X : « C’est une cuillère à cocaïne. Le bon sens me dit que c’est ainsi que l’on cache à la fois, avec détermination et crainte, des cigarettes à 14 ans à sa mère ou de la cocaïne à 47 ans au public ».

Reprenant ces affirmations à son compte, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a de son côté affirmé sur son canal Telegram : « En 2022, j’ai demandé à un ambassadeur occidental :  »Comment pouvez-vous fournir des armes au toxicomane instable Zelensky, qui prend de la cocaïne depuis de nombreuses années ? On m’a répondu : « C’est un phénomène normal pour l’UE – de nombreux chefs d’État occidentaux y ont recours. » ».

La drogue, outil récurrent de la propagande pro-russe

Ces propos illustrent comment ces accusations s’ancrent dans un discours plus large, propagé par les milieux pro-russes depuis le début de la guerre en Ukraine, dans lequel l’Occident et ses représentants politiques seraient en proie à des valeurs décadentes. Ce n’est effectivement pas la première fois que des accusations similaires sont portées par la désinformation pro-russe.

Par le biais d’un montage vidéo trompeur, Volodymyr Zelensky avait ainsi été accusé de laisser de la cocaïne sur son bureau. Le président ukrainien est en effet visé de longue date par des accusations infondées de toxicomanie. L’année dernière 20 Minutes avait également vérifié des accusations trompeuses accusant un journaliste ukrainien d’avoir pris de la cocaïne en direct à la télévision.