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Guerre en Ukraine : Avec la suspension de l’aide américaine, « Zelensky doit commencer à sentir le roussi »

«Vous n’avez pas les cartes en main actuellement », a balancé Donald Trump à Volodymyr Zelensky, vendredi dernier dans une rencontre à la mise en scène et au déroulé humiliant pour le chef d’État ukrainien. Et ce mardi, le président américain a ôté de la main de son homologue ukrainien son meilleur atout, en suspendant les aides américaines. « Les Américains se sont dit : « OK, on a fait ce qu’on a pu, il n’y a pas de succès. Donc il faut contraindre les Ukrainiens à discuter avec les Russes, et pour ça, on utilise tous les moyens possibles » », analyse pour 20 Minutes Yves Boyer, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique.

Une décision à la « soudaineté effrayante et qui met l’Ukraine dans une situation difficile », poursuit l’universitaire. Car en plus de l’armement, des munitions, des renseignements, de la lutte cyber, les fonds d’aide américains « contribuent au bon fonctionnement de l’Etat ukrainien et participe au paiement de ses fonctionnaires ».

Et si l’Union européenne, comme elle l’a annoncée ce mardi, débloque des fonds supplémentaires pour tenter de pallier le retrait de leur partenaire d’outre-Atlantique, ils permettront essentiellement d’assurer le fonctionnement de l’Etat ukrainien, en plus de fournir quelques obus. Guère plus, selon Yves Boyer pour qui « l’aide militaire européenne restera assez modeste par rapport à ce que peuvent faire les Etats-Unis qui coordonnent les frappes en profondeur des Himars, les missiles de défense anti-aérienne Patriot, sans parler du renseignement ».

La carte des ressources minières de l’Ukraine

Sur le terrain des opérations, les conséquences de ce retrait devraient rapidement se faire sentir, « avec un manque de matériels et de munitions dans les semaines à venir », prédit le chercheur. Il y aura aussi « un impact sur le moral des troupes ukrainiennes. Les Ukrainiens peuvent continuer à résister mais la dynamique actuelle montre que l’Ukraine est à la peine sur les différents secteurs du front et qu’elle ne pourra pas reprendre les terres conquises par l’armée russe. Donc dire que l’Ukraine est en train de perdre fait tomber des gens de leur chaise, mais objectivement, l’Ukraine est plutôt sur une perspective de défaite militaire », enchaîne le chercheur.

Et dans cette configuration « Zelensky doit commencer à sentir le roussi, même s’il faut rester prudent », avance Yves Boyer. Dès lors, quelles options restent ouvertes au président ukrainien qui répète être prêt à signer l’accord sur l’exploitation des ressources minières avec les Etats-Unis ? « Dans l’immédiat cet accord ne peut rien régler. Mais à terme, la présence des grandes entreprises américaines, qui exploiteront ces ressources, est une forme de présence américaine à l’égard de laquelle les Russes ne s’opposeront pas et c’est une forme de garantie même si elle n’est pas de nature militaire », comprend l’universitaire.

Ainsi, la paix serait un préalable à cet accord, avec ou sans Zelensky qui devra pour ce faire revoir son décret pris en octobre 2022 qui interdit toute négociation avec Vladimir Poutine. Un pas qu’a fait le président ukrainien ce mardi après-midi, proposant, sur X, « une trêve » dans les airs et en mer pour entamer des discussions de paix. Et « les conditions de paix sont définies par la situation militaire », poursuit Yves Boyer selon qui le Donbass et l’oblast de Luhansk semblent perdus pour les Ukrainiens, sans même parler de la Crimée.

« Pas tant d’options qui s’offrent aux Européens »

« On peut comprendre la position morale des Européens qui ne veulent pas accepter le remodelage des frontières en Europe par une opération de force, mais les Etats-Unis paraissent déterminer à ouvrir un nouveau grand chapitre avec la mise en œuvre de moyen pour exploiter les richesses, y compris celles qui se trouvent dans l’Arctique où les Russes ont géographiquement une place importante », anticipe et analyse Yves Boyer.

Et dans ce nouveau chapitre, les relations américano-russes sont déterminantes et nécessitent un rapprochement entre Trump et Poutine. Un début de normalisation de relation qui s’est fait à la mi-février avec un échange téléphonique entre les deux présidents.

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Définitivement Zelensky ne semble plus avoir les cartes en mains et celle des Européens ne paraît pas dans l’immédiat suffisante pour contrebalancer le défaut de la première puissance économique, militaire et financière mondiale. « Il faut rester prudent, mais les Européens qui disent on va faire l’Europe de la défense alors qu’on en parlait au siècle dernier. Ça ne se fait pas même en cinq ans », estime le chercheur qui conclut : « A court terme, il n’y a pas tant d’options qui s’offrent aux Européens. ». Et Zelensky n’en a pas plus