Guerre au Proche-Orient : Où Netanyahou peut-il encore voyager après le mandat d’arrêt de la CPI émis contre lui ?
Le couperet est tombé, et depuis, le débat se porte sur les conséquences de la décision. La Cour pénale internationale (CPI) a émis jeudi un mandat d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou pour « crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis depuis le 8 octobre 2023, et au moins jusqu’au 20 mai 2024 » à Gaza. Son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant est également visé.
Les 124 Etats parties ayant signé et ratifié le statut de Rome de la CPI sont désormais juridiquement tenus d’arrêter le Premier ministre israélien s’il pénètre sur leur sol. « Juridiquement, c’est limpide. L’Etat partie a l’obligation de l’arrêter et de le remettre à la CPI, commente Jeanne Sulzer, avocate spécialiste en droit pénal international. Il n’y a pas d’immunité pour les chefs d’Etat en exercice. C’est aux Etats d’appliquer ce qu’ils ont signé. »
Ce cadre réduit fortement la marge de manœuvre au président du Likoud. « S’il s’est rendu plusieurs fois hors d’Israël dans des pays signataires du Traité de Rome depuis le début de l’enquête, rappelle Sarah Coquillaud, procureure spécialisée en droit pénal international, il est peu probable qu’il prenne le risque d’être arrêté en récidivant. » Surtout que les pays concernés seraient « réticents à se retrouver dans une telle position maintenant que les mandats sont sortis. »
L’Europe, destination trop risquée malgré la Hongrie ?
En Europe, tous les membres l’UE sont Etats parties à la CPI. Seul trou dans la raquette, la Hongrie. Malgré le statut d’Etat partie de son pays, le Premier ministre Viktor Orbán a invité Benyamin Netanyahou pour contester l’émission du mandat.
« S’y déplacer, c’est faisable, mais compliqué. Il faudrait traverser l’espace aérien de certains Etats parties », avance Mathilde Philip-Gay, professeure de droit spécialiste de la responsabilité des chefs d’Etat.
D’autant plus que la sympathie d’un dirigeant allié n’empêche pas l’application du mandat par la justice nationale. « L’invitation lancée n’annule pas le risque d’une arrestation par quelques juges indépendants, même si c’est plus périlleux sans le soutien des dirigeants », poursuit notre experte.
L’Argentine, destination trop risquée malgré le soutien de Javier Milei ?
Autre continent, même problématique : l’Argentine. Le pays est Etat partie de la CPI, comme toute l’Amérique latine. Mais son président Javier Milei a exprimé son « profond désaccord » avec la décision.
De là à voir débarquer en visite Benyamin Netanyahou à Buenos Aires ? Selon Mathilde Philip-Gay*, il faut se référer au cas Vladimir Poutine, également visé par un mandat d’arrêt de la CPI depuis mars 2023, pour éclairer la situation actuelle.
« Depuis sa mise en cause, Poutine a été invité au Brésil, au Mexique, en Afrique du Sud. Il s’annonce, mais ne vient finalement pas. Parce qu’il sait que ces pays disposent d’une justice relativement indépendante, et que le mandat pourrait être mis à exécution. »
Le seul risque (mesuré) pris par le chef du Kremlin a été un voyage en Mongolie en septembre. Depuis, le cas de cet Etat partie, qui n’a donc pas mis à exécution le mandat d’arrêt, est discuté à l’Assemblée des Etats parties en vue d’une éventuelle sanction.
Les Etats-Unis, un voyage sans aucun risque
Reste à Benyamin Netanyahou la possibilité de se rendre sans danger dans un Etat non partie de la CPI. Comme chez son plus grand allié, les Etats-Unis, le président américain Joe Biden ayant d’ailleurs jugé le mandat d’arrêt « scandaleux ». Globalement, « les déplacements de Benyamin Netanyahou vont devenir difficiles, conclut Sarah Coquillaud. Voire impossible ».
*autrice du livre « Peut-on juger Poutine ? » (éditions Albin Michel)