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Guerre au Proche-Orient : Le nombre de morts à Gaza sous-estimé de 40 %, selon des scientifiques

Imaginez que dans votre entourage, une personne sur 35 soit morte sous les balles, les roquettes et les bombes d’un ennemi. Ajoutez d’innombrables blessés, des enfants orphelins, des familles décimées, des habitations ravagées et des camps de réfugiés bondés dans lesquels on manque de tout. Mettez toute cette misère dans un territoire grand comme la métropole de Toulon où tout serait détruit. Vous aurez alors une brève idée de l’apocalypse qui se noue dans la bande de Gaza, pilonnée depuis plus d’un an par son voisin israélien.

D’après le dernier recensement du ministère de la Santé du territoire palestinien, 46.000 personnes ont trouvé la mort à Gaza depuis l’attaque sanglante du 7 octobre 2023 perpétrée par le Hamas et qui a fait plus de 1.200 morts, en majorité des civils. Mais la réalité de Gaza serait bien pire encore.

D’après une étude publiée ce vendredi dans la prestigieuse revue médicale britannique The Lancet, le nombre de morts à Gaza serait en fait 40 % supérieur à celui communiqué par les instances du Hamas. Un chiffre qui fait l’objet d’âpres débats depuis le début du conflit, certains estimant qu’il est exagéré, d’autres qui les largement minoré. D’après les scientifiques du Lancet, ce sont « entre 55.298 et 78.525 décès » qui auraient été causés par des « lésions traumatiques » entre le 7 octobre 2023 et le 30 juin 2024 (date utilisée pour les besoins de l’étude).

Près de 65.000 morts selon les scientifiques

Le nombre probable de tués estimé par The Lancet est de 64.260 morts, soit un chiffre supérieur de 41 % à celui du ministère palestinien. Un chiffre qui représente 2,9 % de la population de Gaza avant la guerre, « soit environ un habitant sur 35 », selon l’étude. Et encore. Ce bilan ne concerne que les morts dues à des lésions traumatiques et n’inclut donc pas les décès indirects, tels que ceux dus au manque de soins ou de nourriture, ni les milliers de disparus que l’on pense enterrés sous les décombres.

Des centaines de milliers d'habitants vivent dans des conditions déplorables dans la bande de Gaza, pilonnée par l'armée israélienne depuis octobre 2023.
Des centaines de milliers d’habitants vivent dans des conditions déplorables dans la bande de Gaza, pilonnée par l’armée israélienne depuis octobre 2023. - N. Ishtayeh/Sopa Images

Les chercheurs de l’étude publiée par le Lancet ont employé une méthode statistique appelée « capture recapture » qui a déjà été utilisée pour estimer le nombre de morts dans d’autres conflits dans le monde, qui s’appuie sur trois listes : la liste des corps identifiés dans les hôpitaux ou les morgues, une enquête en ligne dans laquelle les Palestiniens ont signalé le décès de leurs proches et une troisième liste établie à partir de notices nécrologiques publiées sur des réseaux sociaux comme X, Instagram, Facebook et WhatsApp (lorsque l’identité du défunt a pu être vérifiée).

A Gaza, les populations manquent de tout. Ici, des enfants attendent en espérant récupérer de l'eau potable.
A Gaza, les populations manquent de tout. Ici, des enfants attendent en espérant récupérer de l’eau potable.  - R. Abdeljawad/Chine Nouvelle

Patrick Ball, un statisticien du Human rights data analysis group, basé aux Etats-Unis, qui n’a pas participé à l’étude du Lancet, a utilisé la même méthode statistique de « capture recapture » pour estimer le nombre de morts lors de conflits au Guatemala, au Kosovo, au Pérou et en Colombie. Il a assuré à l’AFP que cette technique éprouvée avait fait ses preuves de longue date et qualifié l’étude du Lancet de « bonne estimation ».