Groenland : L’indépendance, sujet au cœur d’élections ravivé par les ambitions de Donald Trump

L’indépendance, oui mais quand ? Les Groenlandais votent mardi lors de législatives dont l’un des enjeux est de déterminer à quel moment rompre les amarres avec le Danemark, l’actuelle puissance tutélaire, sans tomber dans l’escarcelle de Donald Trump. L’insistance parfois menaçante du président américain à prendre possession du Groenland a donné un coup de fouet aux aspirations indépendantistes parmi les 57.000 habitants du territoire, nombreux à dire ne vouloir être ni danois ni américains, mais groenlandais.
« Donald Trump a en quelque sorte relancé la question de l’indépendance », décrypte la politologue Maria Ackrén à l’université du Groenland. La question a donc pris une grande place dans la campagne électorale, au milieu de thèmes comme l’éducation, les affaires sociales, la pêche et le tourisme. La quasi-totalité des partis politiques souhaitent que l’immense territoire glacé, 50 fois plus grand que le Danemark mais 100 fois moins habité, vole de ses propres ailes.
Une « fast track » pour l’indépendance ?
Les nombreuses grues hérissées au-dessus de Nuuk, la capitale, témoignent d’une modernisation rapide qui a rendu vulnérable une partie de la population très majoritairement inuite, tournée vers la chasse et la pêche. Visible à l’œil nu, la misère sociale se retrouve aussi dans les statistiques : un taux de suicide parmi les plus élevés au monde, un nombre d’avortements supérieur à celui des naissances, une espérance de vie de moins de 70 ans chez les hommes…
Si l’envie d’indépendance est largement partagée, les formations politiques en lice pour se disputer les 31 sièges du Parlement divergent sur le calendrier : « fast track » (voie rapide) ou plus long terme ? Parmi les plus impatients, le parti nationaliste Naleraq, très visible pendant la campagne, réclame d’entamer rapidement le processus d’indépendance. Au précédent scrutin en 2021, il avait recueilli 12 % des voix. « L’intérêt que nous constatons, non seulement de la part des Etats-Unis mais aussi du monde entier, […] joue en notre faveur », déclare Juno Berthelsen, l’un de ses candidats les plus en vue.
Le difficile envol de l’économie locale
Colonisée par les Danois il y a plus de trois siècles, l’île de l’Arctique a gagné son autonomie en 1979, mais les fonctions régaliennes (affaires étrangères, défense…) lui échappent encore. Depuis une loi de 2009, les Groenlandais peuvent déclencher eux-mêmes le processus d’indépendance qui suppose de négocier un accord avec Copenhague, lequel doit ensuite être approuvé par référendum au Groenland et par un vote au Parlement danois.
Les deux composantes de la coalition sortante, Inuit Ataqatigiit (IA, formation gauche-verte du Premier ministre Mute Egede) et Siumut (parti social-démocrate), sont globalement moins pressées, même si des divisions internes peuvent exister. Le territoire, selon elles, doit avant tout atteindre une certaine viabilité économique alors que l’aide annuelle d’environ 530 millions d’euros versée par Copenhague représente un cinquième de son PIB.
« Il est important de parler du développement économique du Groenland et de voir comment nous le faisons de manière beaucoup plus durable », estime Aaja Chemnitz, membre d’IA et l’une des deux représentantes du Groenland au Parlement danois. L’exploitation des ressources minérales de l’île, souvent présentée comme un nouveau tremplin financier, reste à ce stade embryonnaire. Mais leur exploitation empirerait le changement climatique, qui fragilise déjà le Groenland.
Le chef de Siumut, Erik Jensen, ministre des Finances sortant, s’agace, lui, que la question de l’indépendance ait éclipsé, en tout cas dans les médias étrangers et danois, celles liées au quotidien des gens. L’indépendance, « c’est aussi un aspect important de notre programme, mais tout le monde ici au Groenland parle de santé, des écoles et des crèches ».