Fraude aux eaux en bouteille : Face à la mauvaise volonté de Nestlé, les sénateurs menacent de poursuites pénales

«Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup », aurait pu commenter Martine Aubry. C’est peut-être aussi ce qu’ont pensé les membres de la commission d’enquête sénatoriale qui ont reçu, ce mercredi, la directrice générale de Nestlé Waters.
Entendue, dans le cadre de l’enquête sur l’utilisation de traitements illégaux par des minéraliers, dont Nestlé Waters, révélée par des journalistes du Monde, de Radio France et de Mediapart, Muriel Lienau s’est montrée sur la défensive et peu loquace face aux parlementaires qui ont déploré son manque de coopération.
La directrice générale botte en touche et plaide la procédure judiciaire
Pour commencer, la directrice générale a assuré que les traitements illégaux utilisés par l’entreprise jusqu’en 2023 sur ses eaux minérales Perrier et Hépar permettaient « d’assurer la sécurité alimentaire ».
« Je n’ai pas la raison pour laquelle ils étaient en place. Je sais que ces traitements permettaient d’assurer la sécurité alimentaire. J’ai compris qu’il y avait d’autres façons d’assurer la sécurité alimentaire […] et que pour supprimer ces traitements non conformes, il fallait revoir tout le design de l’usine », a affirmé Muriel Lienau avant de détailler le plan de transformation mis en place pour remplacer ces traitements.
Tout au long de l’audition, le rapporteur Alexandre Ouizille (PS) et plusieurs autres sénateurs ont déploré leurs difficultés à obtenir des réponses claires, la directrice générale brandissant la procédure judiciaire en cours à chaque question gênante.
Les parlementaires passent aux menaces
Devant ses refus répétés de répondre aux questions de ses collègues et aux siennes, Laurent Burgoa, président de la commission et sénateur du Gard, où est implantée l’usine Perrier du géant de l’agroalimentaire, a pourtant insisté : « Vous témoignez sous serment, tout parjure, même par omission, est poursuivi par la loi ».
Depuis la mise en place de la commission, en novembre dernier, une soixantaine de personnes, industriels, conseillers ministériels, représentants de différents services de l’État, chercheurs, laboratoires, élus locaux, ont été auditionnées dans le but de faire la lumière sur « les pratiques des industriels de l’eau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités et la gestion des risques économiques, patrimoniaux, fiscaux, écologiques et sanitaires associés ».
Problème, l’un des principaux concernés, Nestlé Waters, semble faire preuve de mauvaise volonté. Pour commencer, Muriel Lienau a demandé à la commission de clarifier dans son rapport les recommandations sur la micro-filtration utilisée par le groupe, dont certains sénateurs ont contesté la légalité.
Nestlé pas fan des auditions
Elle a ensuite refusé de donner les noms des personnes qui l’ont informée des traitements illégaux après sa prise de poste, invoquant la procédure judiciaire en cours. « C’était mon choix de ne pas chercher des responsabilités individuelles mais de continuer à travailler et de mettre toute l’énergie à trouver des solutions », a-t-elle dit.
Laurent Burgoa, lui a même rappelé que le « refus de déposer ou de prêter serment […] devant une commission d’enquête est passible de deux ans d’emprisonnement et de 7.500 euros d’amende » et qu’une procédure judiciaire n’empêchait pas un tel témoignage.
La directrice générale a maintenu sa position jusqu’à la fin de l’audition.
Mardi, la commission avait auditionné Sophie Dubois, directrice générale de Nestlé Waters France d’avril 2018 à janvier 2025 et actuellement présidente de Nestlé France. Cette dernière a affirmé que son rôle dans le plan de transformation s’était limité aux aspects marketing et distribution et qu’elle n’avait eu connaissance de l’utilisation de traitements interdits qu’après d’autres cadres comme Muriel Lienau.
L’échange a été encore plus tendu qu’avec Muriel Lienau, le président s’étonnant en conclusion que « quelqu’un qui a des responsabilités importantes […] n’ait pas eu connaissance de faits » qui se sont passés dans son entreprise.