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Ex-QG de l’armée bombardé, projet immobilier… On vous résume l’affaire qui éclabousse le gendre de Trump en Serbie

Un projet immobilier porté par Jared Kushner, gendre de Donald Trump, ravive les tensions en Serbie. Au cœur de la polémique : un terrain symbolique en plein centre de Belgrade, théâtre de bombardements de l’Otan en 1999 et longtemps classé « bien culturel ». La levée de ce statut patrimonial, condition sine qua non au lancement du chantier, serait entachée d’un faux. Le parquet serbe a ouvert une enquête, éclaboussant l’administration et mettant l’avenir du projet en suspens. On vous explique tout.

Un site stratégique chargé de mémoire

Les deux immeubles en briques rouges qui composaient l’ancien état-major de l’armée yougoslave n’ont jamais été restaurés depuis les frappes de l’Otan menées sous l’impulsion des Etats-Unis. Classés en 2005, ces vestiges de guerre ont été protégés jusqu’en 2024, année où leur statut a été discrètement révoqué par les autorités serbes.

Une décision prise quelques mois après la signature d’un accord controversé entre Belgrade et Affinity Partners, le fonds d’investissement de Jared Kushner, prévoyant la cession du site pour 99 ans afin d’y bâtir un hôtel de luxe, un musée et jusqu’à 1.500 unités résidentielles, pour un montant de 500 millions de dollars. Mais cette séquence, déjà source d’indignation dans une partie de l’opinion serbe, a pris une nouvelle tournure judiciaire cette semaine.

Un « faux » qui pourrait tout remettre en cause

Mardi, le parquet contre le crime organisé a révélé l’ouverture d’une enquête préliminaire visant Goran Vasic, directeur de l’Institut pour la protection des monuments. Il est soupçonné d’abus de fonction et d’avoir produit un document falsifié recommandant la levée du statut de « bien culturel » du site. Ce document aurait directement motivé la décision du gouvernement serbe de rendre le terrain constructible.

Selon le parquet, Goran Vasic a reconnu les faits qui lui sont reprochés. S’il a échappé à la détention préventive, une interdiction de contact avec des témoins lui a été imposée.

Malaise politique et silence gouvernemental

Ce rebondissement judiciaire fragilise un projet déjà contesté. Si le gouvernement reste silencieux, le président Aleksandar Vucic a tenu à rassurer : « Il n’y a eu aucune falsification de quelque nature que ce soit. Il n’y a pas d’arrêt des plans du projet, nous discuterons de tout avec tout le monde. »

De son côté, Affinity Partners, interrogée par l’AFP, a adopté un ton plus réservé. L’entreprise affirme ne pas avoir « participé à la révision du statut culturel » du site, reconnaît que les travaux n’ont pas commencé, et concède que « le projet est désormais incertain ».

Patrimoine en péril et mobilisation des architectes

Mais l’affaire dépasse maintenant les enjeux économiques ou diplomatiques : elle touche à l’identité historique et architecturale de Belgrade. Conçus par l’architecte serbe Nikola Dobrovic, les bâtiments sont considérés comme un chef-d’œuvre du brutalisme d’après-guerre. Leur structure, pensée comme une allégorie de la bataille de Sutjeska en 1943, s’intègre en cascade dans l’avenue Nemanjina, créant une imposante perspective monumentale.

« C’est la composition architecturale la plus significative de l’ex-Yougoslavie », explique l’architecte Slobodan Maldini, signataire d’un appel lancé en mai 2024 pour restaurer les bâtiments dans leur état d’origine. « La perte potentielle du complexe signifierait que la Serbie perdrait son plus beau travail architectural de ce type. Les dommages seraient irréparables », a-t-il alerté.

Un symbole devenu enjeu géopolitique

A Belgrade, les plaies de 1999 restent ouvertes. La transformation de ce lieu de mémoire en complexe hôtelier porté par le gendre du président américain suscite un ressentiment profond dans une population encore marquée par les bombardements de l’Otan. La bâche kaki recouvrant partiellement l’un des bâtiments, représentant des soldats serbes en parade, illustre le malaise entre volonté de modernisation et respect du passé.

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A mesure que l’enquête avance, ce projet d’envergure prend des allures de scandale d’Etat, mêlant mémoire collective, tensions diplomatiques et soupçons de corruption. En Serbie comme à l’étranger, l’affaire Kushner à Belgrade n’a pas fini de faire parler d’elle.