États-Unis : Robert Kennedy Jr, convictions religieuses… Le point sur l’épidémie mortelle de rougeole
Depuis son arrivée à la tête du ministère américain de la Santé, Robert Kennedy Jr. fait face à une crise sanitaire majeure. Connu pour ses positions vaccinosceptiques, l’ancien avocat doit gérer une épidémie de rougeole d’une ampleur inédite, qui a déjà fait deux morts et touché plus de 300 personnes à travers le pays.
La majorité des cas se concentre au Texas et au Nouveau-Mexique, où la maladie se propage rapidement.
Une épidémie hors de contrôle
La rougeole, maladie virale hautement contagieuse, avait été officiellement éradiquée aux États-Unis en 2000 grâce à une politique vaccinale rigoureuse. Pourtant, la baisse du taux de vaccination, sur fond de défiance croissante envers les autorités sanitaires et les laboratoires pharmaceutiques, a permis à la maladie de réapparaître.
Au 13 mars dernier, le Centre pour le Contrôle et la Prévention des Maladies (CDC) recensait quelque 301 cas répartis dans 15 États. Si la grande majorité des personnes infectées n’étaient pas vaccinées ou leur statut vaccinal était inconnu, six cas ont été recensés chez des individus ayant reçu au moins une dose du vaccin MMR (Rougeole-Oreillons-Rubéole). A ce jour, environ un tiers des cas concerne les enfants de moins de cinq ans, et près d’un cas sur deux les 5-19 ans. Le bilan humain continue de s’alourdir : 50 patients ont été hospitalisés, soit 17 % des cas. Les enfants de moins de 5 ans sont les plus vulnérables, avec 28 hospitalisations sur 103 cas (27 %). Deux décès ont été recensés : l’un confirmé, l’autre toujours sous investigation. Les experts de santé publique préviennent que la situation risque de s’aggraver. « Cette épidémie va être importante […]. Cela pourrait durer toute l’année », a alerté sur CNN Katherine Wells, directrice de la santé publique de la ville de Lubbock (Texas).
Un ministre controversé
Malgré ces chiffres alarmants, Robert Kennedy Jr. a tenté de relativiser la situation. Tout en faisant la promotion de la capacité des Américains à « choisir librement », il a déclaré : « Ce n’est rien d’inhabituel. Des épidémies de rougeole se produisent chaque année. » Une déclaration qui a choqué de nombreux experts en santé publique, alors que le pays traverse l’une des pires flambées épidémiques depuis des décennies.
Face à la pression, il a fini par reconnaître que les vaccins protègent contre la rougeole et favorisent l’immunité collective. Pourtant, quelques jours plus tard, il persistait dans ses doutes sur la vaccination, affirmant que « le vaccin cause des décès chaque année et engendre les mêmes complications que la maladie elle-même ». Interrogé par l’AFP, le pédo-infectiologue Paul Offit, spécialiste des vaccins, dénonce une irresponsabilité flagrante : « Les gens supposaient qu’en devenant ministre de la Santé, il deviendrait plus responsable. Ils se trompaient. »
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« Tant que nous aurons une population non vaccinée, la maladie continuera de se propager »
L’épidémie actuelle est la plus grave depuis des années et dépasse déjà les chiffres de 2024, au cours de laquelle 285 cas avaient été enregistrés aux États-Unis. Seuls deux autres épisodes avaient franchi la barre des 200 cas depuis l’élimination officielle de la rougeole en 2000 : en 2014 après une épidémie découverte à Disneyland et en 2019 à New York.
Le retour de la rougeole en 2025 est directement lié à la chute des taux de vaccination. Selon le CDC, la couverture vaccinale chez les enfants en âge scolaire est passée sous le seuil critique des 95 %, ce qui compromet directement l’immunité collective. « Tant que nous aurons une population non vaccinée, la maladie continuera de se propager », alerte Olusimbo Ige, commissaire à la santé publique de Chicago, sur CNN.

Une gestion de crise chaotique
Face aux critiques croissantes, Kennedy Jr. tente de calmer la tempête, mais son manque de cohérence alimente la confusion. Un de ses porte-paroles a même carrément démissionné, et la Maison-Blanche a dû retirer la candidature ce jeudi de David Weldon, un allié de Kennedy Jr., à la direction du CDC, de peur qu’il ne soit rejeté par le Sénat.
Kennedy Jr. avait promis une « transparence radicale », mais les témoignages d’anciens fonctionnaires du ministère l’accusent du contraire. Il a mis fin à des consultations publiques sur les politiques de santé et annule régulièrement des réunions sans explication, transformant les agences sanitaires en « boîte noire », selon un ancien employé. Parallèlement, il mène une croisade contre l’alimentation ultratransformée, lance une « grande enquête » sur les liens entre vaccination et autisme, et ce, tout en faisant la promotion d’une chaîne de fast-food utilisant de la graisse de bœuf. Des paradoxes qui illustrent le flou et les contradictions de ses actions.
Un avenir incertain
Entre la gestion chaotique de l’épidémie, les démissions dans son entourage et la fronde montante même au sein de son propre camp, Robert Kennedy Jr. est en position de plus en plus fragile. Alors que la rougeole continue de se propager, la capacité du ministre à répondre à la crise est remise en question par de nombreux experts et responsables politiques.
Sur le plan sanitaire, les incertitudes s’accumulent. Le CDC craint que des coupes budgétaires fédérales ne compromettent les efforts de vaccination et le suivi des cas. « Nous dépendons du soutien fédéral pour le traçage des contacts et la vaccination. Les coupes budgétaires nous inquiètent », avertit sur CNN le directeur des services de santé de Dallas, Philip Huang.