Etats-Unis : Que risque le conseiller à la sécurité nationale Michael Waltz après sa bourde sur les plans militaires ?

Salle protégée, téléphones interdits, canaux de communication sécurisés… En temps normal, les discussions visant à planifier des raids de l’armée américaine sont extrêmement encadrées. Toutefois, le rédacteur en chef de The Atlantic, Jeffrey Goldberg, a révélé ce lundi qu’il avait été invité par erreur dans une discussion sur la messagerie Signal. Les échanges visaient à planifier l’attaque menée le 15 mars dernier par les forces américaines contre les rebelles houthis au Yémen.
A l’origine de la fuite, on trouve Michael Waltz, pourtant le conseiller à la sécurité nationale. C’est lui qui a ajouté le journaliste à la boucle de messages. « Déjà, le fait d’utiliser une messagerie commerciale comme Signal est en contradiction avec la loi sur l’espionnage », souligne Anne Deysine, spécialiste des Etats-Unis. L’autrice de Les juges contre l’Amérique (Ed. Presses universitaires de Paris Nanterre) rappelle qu’il existe des « pièces spéciales protégées [les SCIF, Sensitive Compartmented Information Facility] pour éviter que l’information ne soit capturée par l’ennemi ».
« Il y a eu violation de plusieurs lois »
« A priori, il a violé certaines dispositions de la loi sur l’espionnage », abonde Margaux Guillerit, enseignante à l’université Paris Nanterre. « Au-delà d’avoir commis une faute en ayant cette conversation sur Signal, il a aussi commis une véritable imprudence en ne vérifiant pas qui était dessus », souligne la spécialiste du droit américain. Les expertes évoquent notamment l’Espionage Act of 1917, une loi fédérale qui interdit la diffusion d’informations relatives à la défense nationale pouvant être utilisées pour nuire aux États-Unis ou aider un adversaire étranger.
D’autres lois prévoient ce type de situation, comme le Code des Etats-Unis, titre 18, section 798. Elle prévoit une amende et dix ans de prison à l’encontre de « quiconque communique, transmet ou rend disponible à une personne non autorisée toute information classifiée relative au cryptage des communications ou à la sécurité nationale. » Pour Anne Deysine, « c’est clair, il y a eu violation de plusieurs lois, mais il serait surprenant qu’elle soit suivie de sanctions. »
D’improbables poursuites
Après ces révélations explosives, Michael Waltz pourrait faire l’objet d’une procédure en destitution (impeachment, en anglais). « Selon mes informations, cette procédure n’a été utilisée qu’une seule fois à l’encontre d’un membre autre que le président. Et de toute façon, le Sénat et la Chambre des représentants sont à majorité républicaine », glisse Margaux Guillerit. Difficile donc d’imaginer de telles poursuites, en particulier sous l’ère de Donald Trump. Une procédure en justice pourrait aussi être engagée, mais le président américain « a bien muselé le système juridique fédéral en multipliant les nominations de juges acquis à sa cause », explique la spécialiste du droit américain.
« Le ministère de la Défense ne poursuivra pas. Certes, les cours de justice sont indépendantes, mais il faut qu’elles soient saisies par quelqu’un. Et qui va vouloir faire ça ? », s’interroge Anne Deysine. La bataille juridique semble donc perdue d’avance pour ceux qui voudraient poursuivre Michael Waltz. Reste alors la réponse politique. « En théorie, Donald Trump pourrait le renvoyer, ou il pourrait démissionner. Mais ce n’est clairement pas le premier à agir de façon irresponsable sans en subir les conséquences », analyse Margaux Guillerit.
Un potentiel fusible politique
Pour le moment, la Maison-Blanche tente de limiter les dégâts. Ce mardi, sa porte-parole, Karoline Leavitt, a ainsi assuré qu’« aucune information classifiée n’a été envoyée sur la discussion » et qu’« aucun plan de guerre n’a été discuté ». Un peu plus tôt, elle assurait que le président des Etats-Unis « continuait d’avoir la plus grande confiance dans son équipe de sécurité nationale, y compris son conseiller à la sécurité nationale, Mike Waltz ». La bourde est particulièrement paradoxale quand on se souvient qu’en 2016, Donald Trump avait reproché à Hillary Clinton d’avoir envoyé des e-mails officiels via une messagerie privée non sécurisée alors qu’elle était secrétaire d’Etat. « Donald Trump voulait l’envoyer en prison, mais là c’est dix fois plus grave : il s’agit de frappes ! », lance Anne Deysine.
« Tout le monde à la Maison-Blanche est d’accord sur une chose : Mike Waltz est un putain d’idiot », a réagi une source proche de la Maison-Blanche auprès de Politico. D’après le journal, qui cite un autre responsable de la Maison-Blanche, « la moitié [des membres de l’administration Trump participant aux discussions] affirment que Waltz ne survivra jamais [politiquement] ou ne devrait pas survivre ». La pression médiatique et politique pourrait donc bien pousser Donald Trump à transformer son conseiller à la sécurité nationale en fusible. Pas sûr toutefois que cela incite son administration à la prudence. Elle est en effet aux ordres d’un président qui a lui-même été inculpé (avant que les poursuites ne soient abandonnées) pour avoir conservé des documents classifiés après son départ de la Maison-Blanche.