Etats-Unis : Le contrôle aérien sous surveillance après la collision à Washington
Des équipements obsolètes, un sous-effectif latent, le secteur du contrôle aérien américain révèle cette semaine au monde entier ses manques, après la collision entre un avion de ligne et un hélicoptère militaire à Washington mercredi soir.
Le syndicat des contrôleurs aériens se plaignait encore, pas plus tard que mi-décembre lors d’une audition parlementaire, de ces maux.
De son côté, un membre du Bureau de la responsabilité du gouvernement (GAO), un organisme d’audit du Congrès, craignait que le retard technologique pris par l’agence de l’aviation civile (FAA) ne la place dans une situation critique, face à la forte hausse du trafic aérien.
« Des milliards de dollars » nécessaires
Une mise à niveau « sera le travail de nombreuses années et nécessitera des milliards de dollars », relevait Kevin Walsh, membre du GAO, devant une commission sénatoriale.
L’enquête sur la collision, qui a fait 67 morts, ne fait que commencer mais les critiques envers l’agence de contrôle aérien (ATC) n’ont pas tardé à fuser.
Ses difficultés ne datent en réalité pas d’aujourd’hui et des velléités de privatisation ont émergé périodiquement au fil des ans, et encore récemment par des conservateurs en amont de la seconde présidence de Donald Trump.
L’institut juridique de droite Cato qualifiait fin 2024 le système de l’ATC de « vieillot, mal géré et… se dirigeant tout droit vers une crise », estimant qu’il était tout désigné pour une privatisation dans le contexte d’une Maison Blanche conseillée par le milliardaire Elon Musk et son projet de réduire les dépenses publiques.
Mais, pour Andy Busch, professeur de civisme américain à l’université du Tennessee, la situation actuelle pourrait au contraire inciter les parlementaires « à prendre du recul et à faire preuve de prudence ».
La privatisation, fausse bonne idée ?
Selon Michael McCormick, qui a travaillé pour la FAA dans le contrôle aérien, les précédentes initiatives de privatisation ont échoué face à l’opposition du secteur.
« Ce tragique accident va, à coup sûr, attirer les projecteurs sur le dispositif de contrôle aérien et pourrait, au final, aboutir à un niveau adéquat de financements pour que le dispositif puisse être mis à niveau et entretenu », explique-t-il à l’AFP.
Selon lui, les technologies les plus modernes ont déjà permis à l’ATC de passer à un système d’observation s’appuyant sur les satellites.
La pénurie durable de personnel s’explique en partie, d’après lui, par le départ obligatoire à la retraite à 55 ans et par des blocages budgétaires réguliers, les « shutdown », qui ont entravé les recrutements. Ces problèmes se sont aggravés avec la pandémie, qui a gelé toute formation des mois durant.
Une situation fréquemment dénoncée par les compagnies aériennes, désireuses d’augmenter leurs programmes de vols face à la forte demande de voyages de loisirs et d’affaires.
Des centres névralgiques de correspondance comme New York ou Miami sont particulièrement affectés par le manque de personnel, n’ayant que deux-tiers voire moins des contrôleurs nécessaires.
« Faire retomber la pression »
En septembre 2023, l’organisation du trafic aérien et le syndicat national des contrôleurs aériens (NATCA) avaient évalué à plus de 3 000 le nombre de contrôleurs manquants dans les tours des aéroports américains.
Ils étaient environ 10 800 fin 2024. La FAA en a recruté 1 500 en 2023, plus de 1 800 en 2024 et l’objectif est d’en embaucher 2 000 de plus en 2025, avait précisé le ministère des Transports en décembre.
L’organisme Airlines for America, qui rassemble les plus grandes compagnies aériennes américaines, œuvre avec la FAA et les universités pour accroître le nombre d’établissements de formation afin de ne plus compter que sur le centre de la FAA.
L’université Louisiana Tech a récemment reçu le feu vert pour ajouter, dès ce printemps, un premier cursus de quatre ans, avant d’aller plus loin.
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La FAA « souhaite vraiment que nous nous lancions dans le programme », explique Matthew Montgomery, responsable de la branche aviation professionnelle à Louisiana Tech. « Elle veut davantage de monde pour faire retomber la pression ».